Retraites : le camp présidentiel vide de sa substance la proposition de loi LIOT visant à abroger la réforme

May 31, 2023
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Le député (LIOT) Charles de Courson et la présidente (Renaissance) de la commission des affaires sociales, Fadila Khattabi, le 31 mai à l’Assemblée nationale, à Paris. XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP

Le camp présidentiel a réussi à détricoter mercredi 31 mai en commission une proposition de loi tentant d’abroger la retraite à 64 ans. Les oppositions ont dénoncé des « magouilles » dans le seul but d’empêcher un vote, le 8 juin dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. La majorité a ainsi remporté une victoire d’étape, avant l’arrivée en séance la semaine prochaine du texte, qui maintient la flamme des opposants à la réforme contestée, promulguée à la mi-avril.

Les députés ont voté de justesse, par 38 voix contre 34, la suppression du principal article de cette proposition de loi du groupe indépendant Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT). La plupart des élus Les Républicains (LR) ont joint leurs voix à celles de la majorité lors de débats aux allures de bataille rangée.

Les députés de la coalition de gauche Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) ont fini par claquer la porte de la commission des affaires sociales en critiquant des « manœuvres ». La cheffe du groupe La France insoumise (LFI), Mathilde Panot, a réclamé une « pression populaire maximale le 6 juin », lors de la journée de mobilisation organisée par les syndicats.

Après le détricotage du texte, la Nupes avait tenté une contre-attaque en commission à coups de milliers d’amendements. L’objectif ? Empêcher les débats d’aller à leur terme, pour que la version initiale de la proposition soit discutée le 8 juin, et non sa version torpillée. Une « obstruction flagrante » aux yeux de la présidente de la commission, Fadila Khattabi, (Renaissance), qui a décidé de les écarter. Elle a ensuite fait approuver sa décision par le bureau de la commission, malgré de vives protestations de la gauche.

Ambiance survoltée

« Notre droit constitutionnel de dépôt d’amendements a été bafoué », a dénoncé le socialiste Arthur Delaporte. « Les manœuvres de la Macronie et des députés LR en commission des affaires sociales pour empêcher les députés de voter le 8 juin prochain l’abrogation » de la réforme « n’honorent ni notre démocratie ni nos principes républicains », avait réagi plus tôt la présidente des députés RN, Marine Le Pen.

Ainsi détricoté le texte a été adopté en commission. Cette nouvelle bataille autour de la réforme des retraites avait débuté dans une ambiance survoltée le matin dans la salle bondée de la commission, que les journalistes ont été contraints de quitter.

A l’initiative de cette proposition de loi, le rapporteur Charles de Courson (LIOT) a revendiqué une « occasion de sortir par le haut » de la contestation de la réforme des retraites. Le centriste a réclamé d’explorer de nouvelles « pistes » de financement, comme « une contribution plus élevée des revenus du patrimoine ».

La cheffe de file Renaissance, Aurore Bergé, a ironisé sur le changement de pied de Charles de Courson, vieux routier de l’Assemblée, qui a longtemps joué, selon elle, le rôle de « Don Quichotte de nos finances publiques ». Il s’est mué en « Che Guevara de la Marne », a raillé Alexandre Vincendet (LR). La proposition de loi de LIOT a de très faibles chances d’aboutir au plan législatif, mais elle continue à fédérer les opposants à la réforme. Et elle embarrasse l’exécutif, inquiet de l’impact politique d’une éventuelle abrogation des 64 ans par l’Assemblée, quelques semaines à peine après la promulgation de cette réforme très contestée.

Retour de l’abrogation par amendement ?

Mardi, Elisabeth Borne a accusé les oppositions de mentir aux Français « en portant, avec la plus grande démagogie, un texte dont chacun sait ici, pertinemment, qu’il serait censuré par le Conseil constitutionnel ». Les députés de la majorité martèlent que ce texte ne devrait pas être examiné, parce qu’il déroge à l’article 40 de la Constitution, qui dispose qu’une proposition de loi ne doit pas créer de charge publique.

Ils qualifient d’« atteinte grave » aux institutions la décision du président de la commission des finances, Eric Coquerel (LFI), de déclarer la proposition de loi « recevable », alors qu’elle coûterait plus de 15 milliards d’euros, selon l’exécutif. Après la suppression de l’article d’abrogation des 64 ans en commission, le camp présidentiel compte désormais brandir à nouveau l’argument massue de l’article 40 avant le 8 juin.

Son scénario privilégié est que LIOT réintroduise sa mesure phare par un amendement. Et que la présidente de l’Assemblée nationale brandisse à ce moment-là le couperet de la recevabilité financière, empêchant ainsi un vote dans l’hémicycle. « Je prendrai mes responsabilités », a assuré mardi Yaël Braun-Pivet, membre de Renaissance, après avoir été critiquée dans son propre camp pour ne pas avoir fait barrage au texte plus tôt.

Le Monde avec AFP

Source: Le Monde