Au Sénégal, le dialogue national de Macky Sall divise l’opposition

May 31, 2023
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Le président sénégalais Macky Sall au siège de l’Union africaine, le 19 février 2023, à Addis-Abeba, en Ethiopie. AMANUEL SILESHI / AFP

Mercredi 31 mai à 16 heures à Dakar, lorsque le président sénégalais Macky Sall donnera le coup d’envoi du dialogue « national », un autre dialogue, « des peuples » celui-ci, s’ouvrira à quelques dizaines de kilomètres du palais présidentiel. La plateforme des Forces vives de la nation F24, bloc de partis et organisations de la société civile opposés à une éventuelle troisième candidature de Macky Sall, veut ainsi répondre à sa manière à l’appel lancé par le chef de l’Etat. Selon la présidence, l’objectif de son dialogue est de trouver des consensus avec divers acteurs sur les « questions majeures relatives à la vie nationale » mais les points politiques seront, de loin, les plus scrutés.

Sans surprise, Ousmane Sonko n’y participera pas. Le leader du parti Pastef a très tôt dénoncé un rendez-vous conçu, selon lui, pour l’« éliminer » ou l’« isoler » du reste de l’opposition. M. Sonko, ramené de force à Dakar dimanche par les forces de l’ordre, affirme avoir mis fin à sa « caravane de la liberté » lancée depuis son fief de Ziguinchor pour assister au dialogue parallèle du F24.

Mais des risques pèsent sur la tenue de cette rencontre. Le préfet de Dakar a déclaré que la plateforme n’avait pas sollicité d’autorisation. Le député Guy Marius Sagna a affirmé qu’il irait dans l’après-midi « prendre Ousmane Sonko chez lui pour se rendre au dialogue du peuple ». M.Sonko est toujours de facto assigné à résidence, alors que tout le pays est suspendu à la décision des juges qui doit intervenir jeudi, dans le procès où il est inculpé pour viols sur la personne d’Adji Sarr.

« Le ministère de l’intérieur a invité les 333 [ils sont en réalité 339] partis politiques (…). Jusqu’à ce moment [hier dans la nuit], on continue à recevoir des demandes », explique Yoro Dia, porte-parole de la présidence sénégalaise, soulignant en creux que certains partis hors de la majorité présidentielle seront bel et bien présents. Le Parti démocratique sénégalais (PDS) de l’ancien président Abdoulaye Wade est l’un des premiers à avoir répondu favorablement à l’invitation de Macky Sall. Il avait boudé le dernier évènement du genre, en 2019, mais, cette fois, le parti libéral considère que les bases d’un dialogue « sincère » ont été jetées puisque le chef de l’Etat a abordé « pour la première fois en douze ans » le règlement de la situation de Karim Wade, le fils d’Abdoulaye Wade, parti en exil au Qatar en 2016 après avoir été condamné trois ans plus tôt pour enrichissement illicite. Une éventuelle amnistie serait-elle possible ?

« Poser tous les problèmes »

C’est au sein de la principale coalition d’opposition que le suspense a duré. Alors que Yewwi Askan Wi (YAW) a déclaré « son rejet catégorique » du « faux dialogue », le parti de l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, a annoncé mardi qu’il y participerait. « Yewwi a atteint ses limites en termes de dynamique unitaire », estime Mamadou Seck, analyste politique. « Le dialogue a quelque part anticipé les dissensions », explique M. Seck pour qui la coalition va de toute façon finir par « voler en éclats » à l’approche de la présidentielle de 2024.

A quelques heures de l’ouverture du dialogue, le flou persiste sur les modalités du dialogue national, au point de frustrer certains acteurs. Interrogé par le média privé 7TV, Barthélémy Diaz, pourtant considéré comme le lieutenant de Khalifa Sall, a pris de court les observateurs en annonçant qu’il ne participerait pas au lancement des échanges par le président Macky Sall. L’actuel maire de Dakar refuse que la participation de Macky Sall à la présidentielle de 2024 soit à l’ordre du jour. S’il n’a toujours pas fait part de ses intentions, le chef de l’Etat sénégalais est en effet suspecté de vouloir effectuer un troisième mandat très controversé.

« Ceux qui ont voulu poser des prérequis, des conditions, ont tort, le dialogue est le lieu du débat », affirme pour sa part Yoro Dia. « Ils peuvent venir poser tous les problèmes, c’est ça l’esprit du dialogue », estime le porte-parole de la présidence.

Certaines questions sensibles devraient être abordées telles que celle du système de parrainage et celle des critères d’inéligibilité contenus dans les articles L29 et L30 du Code électoral. Ces dispositions privent de candidature les personnes condamnées à certaines peines, comme c’est aujourd’hui le cas de Khalifa Sall et de Karim Wade. Dès jeudi, s’il est condamné, Ousmane Sonko pourrait subir le même sort.

Source: Le Monde