" Cette manière de recadrer Elisabeth Borne, volontaire ou non, n’a que des inconvénients, y compris pour Emmanuel Macron "

June 01, 2023
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Emmanuel Macron et Elisabeth Borne, à Paris, le 8 mai 2023. LUDOVIC MARIN / AFP

Mais quelle mouche a donc piqué Emmanuel Macron ? En affirmant, mardi 30 mai au conseil des ministres, qu’il ne fallait pas combattre l’extrême droite en employant des « arguments moraux » qu’il juge éculés, il a semblé faire la leçon à Elisabeth Borne qui avait estimé, deux jours plus tôt, que le Rassemblement national (RN) était « l’héritier de Pétain ». C’est au moins la troisième fois en deux mois que le président inflige un humiliant camouflet à sa première ministre.

Sous la Ve République, les relations entre les deux têtes de l’exécutif sont souvent épineuses. Mais contredire un premier ministre dans l’enceinte du conseil devant tout le gouvernement, prenant ainsi le risque de saper son autorité, c’est franchir un degré supplémentaire sur l’échelle des supplices.

En un an, M. Macron et Mme Borne n’ont jamais vraiment trouvé leurs marques. Et ça ne s’arrange pas. S’ils se sont retrouvés mardi 30 mai pour un déjeuner, ils ne s’étaient pas vus en tête-à-tête depuis un mois, mais toujours flanqués de leurs bras droit respectifs. Comme si le face-à-face était devenu une corvée.

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Au fond, Emmanuel Macron n’a jamais vraiment digéré le fait de se voir imposer le choix d’Elisabeth Borne pour Matignon, alors qu’il avait décidé de nommer Catherine Vautrin. Et le fait que sa première ministre ait réussi à lui imposer sa méthode et son timing sur les retraites – elle a plaidé pour un accord avec Les Républicains (LR) et une concertation avec les syndicats, avec les résultats qu’on sait –, ne lui a pas été pardonné. « Il y a une sincérité dans l’agacement », confirme un proche de l’Elysée.

Les supputations sur un remplacement relancées

Cette manière de procéder, volontaire ou non, n’a pourtant que des inconvénients, y compris pour lui-même. Sous la Ve République, les destins des deux têtes de l’exécutif sont si liés qu’un affaiblissement de l’un entraîne celui de l’autre. A quoi bon fragiliser sa cheffe du gouvernement alors que le délai qu’il lui a lui-même fixé (cent jours), pour « apaiser » et réformer, n’est pas écoulé, et ainsi donner le sentiment que règne au sommet désordre et fébrilité ? Et pourquoi relancer les supputations sur un éventuel remplacement de Mme Borne, alors qu’il avait temporairement réussi à clore le sujet avec son interview du 15 mai sur TF1, où il lui avait renouvelé sa confiance ?

En juin 2020, Emmanuel Macron avait fait monter la pression de la même manière avec Edouard Philippe, peu de temps avant de s’en séparer. Alors qu’en pleine crise sanitaire, le premier ministre avait évoqué un « risque d’écroulement » du pays, en cas de confinement prolongé, le président l’avait démenti, indiquant qu’il n’utiliserait pas ces « grands mots ». Comme une eau qui bout et finit par déborder. Un mois plus tard, M. Philippe avait dû céder sa place à M. Castex.

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Source: Le Monde