En Cornouaille, le monde des artisans dans le doute
« On sent quand même un essoufflement. Une forme de fatigue liée à une charge mentale », observe Fabienne Lepoittevin. Et, selon la présidente de la Chambre de métiers et de l’artisanat (CMA) du Finistère, « dans ce sentiment d’inquiétude constant il est difficile de se projeter ».
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Sans être noir, le ciel des premiers mois de 2023 a été assombri par un tassement de l’activité. Tout particulièrement dans le secteur du bâtiment. La tendance est observée par tous les acteurs économiques du secteur depuis l’entrée dans une dynamique inflationniste. « Les consommateurs revoient leurs priorités d’investissement », rapporte Fabienne Lepoittevin qui pointe un sérieux coup de frein sur le second œuvre.
Les coiffeurs assistent à des changements de comportements montrant que la clientèle cherche les économies : une coupe tous les deux mois au lieu d’un rendez-vous mensuel…
Activité qui, il est vrai, a atteint des sommets pendant et en sortie de crise sanitaire. Mais la tendance marque aussi nettement la construction neuve. « Les coiffeurs assistent également à des changements de comportements montrant que la clientèle cherche les économies : une coupe tous les deux mois au lieu d’un rendez-vous mensuel ».
Successions de turbulences
Ce tassement d’activité succède à des perturbations du marché occasionné à la fois par une augmentation du coût de l’énergie et, surtout, une augmentation du coût (et parfois même une raréfaction) de certaines matières premières, pour rester dans le domaine du bâtiment. Deux autres obstacles majeurs contournés tant bien que mal, à la fois grâce à des aides publiques, l’allongement des délais de livraison, et la répercussion sur les marges ou sur les prix. Juste avant, pour remonter dans la chronologie des aléas, et alors que les carnets de commandes étaient remplis, tous les secteurs artisanaux ont été confrontés à une difficulté de recrutement. Voire, dans certains corps de métiers, à une véritable pénurie de compétences.
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Pénurie qui reste d’actualité au moins dans le bâtiment où couvreurs et charpentier sont attendus comme le Messie en Cornouaille. « Mais aussi dans les secteurs de la restauration et de l’aide à domicile », observe la Chambre de métiers. En toile de fond, la situation de plein-emploi renvoie à la morphologie sociale d’une population cornouaillaise vieillissante.
La formation continue pour sécuriser l’entreprise
Il est donc déjà loin le temps où l’activité de nombre des 22 000 entreprises artisanales finistérienne a été stoppée nette par la crise sanitaire, mettant déjà les nerfs des dirigeants à rude épreuve, même si les amortisseurs déployés par l’État ont limité la casse, quitte à tordre les doigts de la sacro-sainte « main invisible du marché ».
On ne s’invente pas artisan. Il y a un sens du travail bien fait. Des normes et des certifications attestant de compétences
En réponse aux nouvelles turbulences, la Chambre de métiers plaide pour la formation continue en gestion et en trésorerie. Elle est d’ailleurs placée au cœur de sa Semaine de l’artisanat, jusqu’au 9 juin, qui prend la forme de quelques animations dans différentes villes bretonnes. « Former, ça n’est pas seulement vendre de la prestation », commente la présidente de la CMA 29 défendant un moyen de sécuriser les entreprises.
Elle poursuit sur un autre registre comme on remet les pendules à l’heure : « On ne s’invente pas artisan. Il y a un sens du travail bien fait. Des normes et des certifications attestant de compétences ».
Source: Le Télégramme