Bientôt deux mois de guerre au Soudan, où 1 800 personnes ont été tuées et 1,5 million déplacées
Des habitants inspectent leur maison détruite, dans le quartier Allamat de Khartoum, le 1ᵉʳ juin. AP
La guerre entre dans sa huitième semaine au Soudan, sous le feu de l’armée et des paramilitaires. Le bruit des combats a résonné samedi 3 juin dans la banlieue nord de la capitale Khartoum et une pluie d’obus s’est abattue sur le sud de la ville, faisant plusieurs blessés parmi les civils, ont rapporté des habitants à l’Agence France-Presse (AFP).
Le Croissant-Rouge soudanais a déclaré dans un communiqué que 180 corps non identifiés ont été enterrés : 102 dans le sud de Khartoum et 78 au Darfour. Depuis le début de la guerre, le 15 avril, entre l’armée dirigée par le général Abdel Fattah Al-Bourhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohammed Hamdan Daglo, les humanitaires et les volontaires éprouvent, disent-ils, des difficultés à récupérer les corps « en raison de contraintes de sécurité ».
Des pourparlers entre des émissaires des belligérants organisés en Arabie saoudite, à Djedda, avaient pourtant abouti à un engagement de principe pour « protéger les civils » et permettre aux humanitaires de « collecter, enregistrer et enterrer les morts en coordination avec les autorités compétentes ». Mais l’armée s’est retirée mercredi de ces négociations et le lendemain les Etats-Unis et l’Arabie saoudite disaient les suspendre officiellement.
Bus bloqués
Parallèlement aux Américains et aux Saoudiens, l’Union africaine − qui a suspendu le Soudan en 2021 − et l’Autorité intergouvernementale pour le développement − le bloc régional d’Afrique de l’Est dont fait partie le pays − se sont dits prêts à mettre en œuvre une feuille de route pour le pays, l’un des plus pauvres au monde. Samedi, un émissaire du général Daglo a rencontré le président kenyan, William Ruto, à Nairobi, a affirmé ce dernier sur Twitter.
Malgré l’annonce de sanctions américaines contre l’armée et les paramilitaires, les combats aux armes lourdes continuent, les pillages se poursuivent et le nombre de déplacés ne cesse d’augmenter. A Khartoum, les civils sont privés d’eau courante et confrontés à une pénurie de liquidités et des coupures de courant. Les chauffeurs des bus assurant la liaison entre Khartoum et ses provinces ont déclaré samedi « être bloqués par les autorités aux portes de la capitale » de plus de 5 millions d’habitants.
Le conflit a déjà coûté la vie à plus de 1 800 personnes et fait plus d’un million et demi de déplacés et réfugiés. Au moins 18 civils ont été tués mercredi par les tirs d’artillerie et les bombardements aériens de l’armée sur un marché de Khartoum. Les experts disent craindre une offensive massive de l’armée après l’annonce du redéploiement de ses troupes dans la capitale. En face, les FSR continuent de prendre leurs quartiers dans des hôpitaux ou des maisons de civils.
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La situation est encore plus grave au Darfour, frontalier du Tchad, et la situation risque d’empirer avec l’approche de la saison des pluies, synonyme au Soudan de recrudescence du paludisme, d’insécurité alimentaire et de malnutrition infantile. Des déplacés ont déclaré à Médecins sans frontières (MSF) avoir vu « des hommes armés qui tirent sur les personnes cherchant à fuir à pied, des villages pillés et des blessés qui agonisent ». Des témoins font état samedi de combats autour de la ville de Kutum dans le nord du Darfour.
Alors qu’un tiers des 45 millions de Soudanais ont besoin d’assistance humanitaire, les cargaisons d’aide arrivées par les airs sont bloquées aux douanes et le personnel international se voit refuser les visas pour venir relever des employés locaux exténués ou terrés chez eux. Dix-huit humanitaires ont été tués depuis le début du conflit.
Le Conseil de sécurité de l’ONU a prolongé vendredi de seulement six mois la mission politique des Nations unies au Soudan, dont le chef Volker Perthes n’est plus le bienvenu dans le pays. Le général Bourhane a réclamé la semaine dernière le limogeage du chef de la mission, lui faisant porter la responsabilité de la guerre. Mais Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a exprimé sa « confiance absolue » envers M. Perthes.
Le Monde avec AFP
Source: Le Monde