Roland-Garros : La " stupide " revente de places pour la première " night session " féminine exaspère les joueuses

June 04, 2023
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A Roland-Garros,

Au réveil ce dimanche matin, foncez donc vous connecter sur le site de Roland-Garros et vous devriez trouver votre bonheur pour l’une des prestigieuses night sessions de l’événement, en plein court Philippe-Chatrier. N’hésitez pas à nous remercier du tuyau, car il ne s’agit pas d’une blague. Dans la nuit de samedi à dimanche, on a en effet pu constater sur la billetterie de revente officielle de Roland que 419 places (de 75 à 430 euros) étaient encore disponibles pour l’affiche nocturne de ce dimanche. Comment une telle opportunité se présente-t-elle le jour J, alors que l’intégralité des places du Grand Chelem français s’était écoulée à la vitesse de l’éclair il y a quelques semaines ?

La raison se devine aisément, en se penchant sur la programmation, qui a été dévoilée samedi après-midi : il s’agira du premier match du tableau féminin placé en soirée (à partir de 20h15) sur le court Philippe-Chatrier. Il faut donc croire que ce huitième de finale entre la numéro 2 mondiale Aryna Sabalenka et Sloane Stephens déçoit une partie du public. Et ce même si la proportion de ces quelques centaines de places revendues est à relativiser dans un stade qui peut accueillir 15.000 spectateurs. Lorsqu’on a évoqué samedi ce phénomène de revente massive lors de la conférence de presse d’Olga Danilovic, on a vite compris à quel point le sujet était sensible.

4th round starts tomorrow 📌#RolandGarros pic.twitter.com/nG1LNn7CZn — Roland-Garros (@rolandgarros) June 3, 2023 L‘accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement En cliquant sur « J‘ACCEPTE », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires J‘ACCEPTE Et pour mieux rémunérer 20 Minutes, n'hésitez pas à accepter tous les cookies, même pour un jour uniquement, via notre bouton "J‘accepte pour aujourd‘hui" dans le bandeau ci-dessous. Plus d’informations sur la page Politique de gestion des cookies.

Le choc Gauff-Andreeva laissé sur le Lenglen

« Je n’ai qu’une chose à dire, c’est stupide, lance la joueuse serbe de 22 ans, tout juste éliminée par Ons Jabeur au troisième tour du tournoi. On joue un super tennis, je pense que mon match était super aujourd’hui, comme tant de matchs féminins. On a un super Top 10, Top 20, Top 100 sur le circuit féminin, et c’est bien que les organisateurs programment enfin un match féminin en soirée. » Car on était jusque-là sur un zéro pointé pour les dames sur les six premières sessions nocturnes du Central. Pire, depuis l’instauration des night sessions en 2021, avec diffusion sur Prime Video, seuls trois matchs féminins ont jusque-là été choisis (Serena Williams-Begu et Swiatek-Kostyuk en 2021, Cornet-Ostapenko l’année passée). Directrice de Roland-Garros depuis deux ans, Amélie Mauresmo n’a pourtant guère un profil à dénigrer le tennis féminin.

A cette épineuse question, elle expliquait récemment à la BBC : « Pour être honnête, je ne suis pas en mesure de vous dire quoi que ce soit sur le nombre de matchs masculins ou féminins. Nous cherchons à savoir quel match sera le plus important de la journée. C’est vraiment ce qui nous pousse à faire un choix ». Tout en rappelant « qu’il y a plus d’attrait pour les matchs masculins ». Une réponse qui ne laisse pas réellement augurer un équilibre hommes-femmes sur les night sessions. Et l’élément a priori clé évoqué par Amélie Mauresmo reste très subjectif. On l’avoue, le match Gauff-Andreeva était celui qu’on trouvait le plus alléchant samedi. Il s’est pourtant retrouvé en plein aprem sur le Suzanne-Lenglen, tandis que Zverev bénéficiait de sa deuxième night session (contre Tiafoe).

Mirra Andreeva et Coco Gauff ont livré un match passionnant sur le court Suzanne-Lenglen samedi après-midi. Ces deux talents de moins de 20 ans auraient peut-être mérité une plus grande exposition, de nuit sur le Central. - UPI/Newscom/SIPA

« Comment jugez-vous sans regarder ? »

En revanche ce dimanche, on est hypé par ce choc Alcaraz-Musetti, pourtant placé avant le match Sabalenka-Stephens donc. Tombeuse d’Olga Danilovic, la Tunisienne Ons Jabeur le reconnaît aisément : « Il était temps de mettre une night session féminine. Je ne comprends pas pourquoi il n’y a eu que des matchs de mecs sur les premiers jours. C’est d’ailleurs un peu bizarre qu’ici il n’y ait pas deux matchs par soir, un masculin et un féminin, comme sur les autres Grands Chelems ». Car effectivement, si Wimbledon a toujours refusé de mettre en place ces rencontres nocturnes, l’Open d’Australie et l’US Open ont opté depuis très longtemps pour ces deux matchs par soirée, qu’ils font démarrer plus tôt qu’à Paris. Ça n’a pour autant pas empêché Carlos Alcaraz et Jannik Sinner de finir l’an dernier un match épique à Flushing Meadows à 2h50. Ce créneau de sortie de boîte de nuit peut paraître surréaliste, mais cette formule permet de garantir la parité, à la fois sportive et médiatique, entre femmes et hommes.

« On sent bien qu’une routine à un seul match nocturne, et quasiment toujours masculin, s’est installée ici, constate la joueuse canadienne Bianca Andreescu. Les matchs de tennis féminin sont tellement funs que l’équité ne devrait même pas être un sujet. » Il suffit de consulter un tas d’avis (désastreux) sur les réseaux sociaux autour de la programmation de ce match Sabalenka-Stephens, et de voir à quelle vitesse de nombreux amateurs de tennis (supposés) se sont débarrassés de leurs places, pour comprendre qu’il s’agit toujours d’un sujet en 2023. Très touchée par cette actualité, Ons Jabeur détaille tout ce qu’elle impliquait.

J’ai rencontré beaucoup de gens qui jugent que nos matchs sont nuls alors qu’ils reconnaissent ensuite qu’ils n’ont jamais regardé de tennis féminin. Comment jugez-vous sans regarder ? Honnêtement, il est temps de changer ces mentalités, de donner une chance à ces femmes qui se battent tous les jours. On fait beaucoup de sacrifices que beaucoup d’hommes ne font pas sur le circuit. On doit programmer toute notre vie professionnelle. J’espère que le Central sera plein demain. Ce sera un match extraordinaire comme beaucoup le sont. Donnez leur chance à ces filles-là et à tout le sport féminin. »

Ons Jabeur, qui s'est qualifiée samedi pour les huitièmes de finale de Roland-Garros, a déjà été programmée sur des « night sessions » à l'US Open et à l'Open d'Australie. - CHRISTOPHE SAIDI/SIPA

« Pas le meilleur créneau pour jouer »

Mais tout le circuit féminin ne prend pas autant à cœur cette problématique que la Tunisienne de 28 ans. A l’extrême opposé d’elle ou presque se trouve Coco Gauff. Elle aussi interrogée sur la très faible proportion de matchs féminins à avoir les honneurs d’un prime time, la jeune Américaine a semblé à côté de la plaque quant aux réels enjeux dans la balance pour tout le sport féminin. « Je n’avais pas vu la programmation de demain et j’ignorais qu’il n’y avait eu que des hommes pour l’instant, avoue-t-elle. Je ne savais pas que Sloane Stephens et Aryna Sabalenka voulaient jouer à cette heure-là [ce ne sont évidemment pas les joueuses qui décident de la programmation de leurs matchs], mais personne d’autre ne veut jouer la nuit. Pour nous, c’est bien si les hommes le font car ce n’est pas le meilleur créneau pour jouer. Mais c’est vrai, c’est là où il y a toute l’attention. Je n’ai pas vraiment de point de vue là-dessus. »

Heureusement qu’elle ne s’est pas hasardée à développer un point de vue… Dans les travées de Roland-Garros samedi soir, ce débat entraînait des avis aussi divergents que ceux de Coco Gauff et d’Ons Jabeur. Et parfois même déroutants. Venues de Londres, Danielle et Louise n’ont aucun mal à le reconnaître en chœur : « On s’intéresse plus au circuit ATP qu’à la WTA. Les matchs féminins peuvent être plus ennuyeux, avec de longs échanges et des frappes plus lentes. Le risque sur la night session, c’est que comme on paie cher une place pour un seul match, il peut être très court chez les femmes. La solution serait peut-être de programmer deux matchs féminins à la suite ».

Une première « night session » pliée en 1h46

L’idée pourrait faire sens car la question de la longueur des matchs est un imparable argument objectif, bien que jamais mis en avant par l’organisation du tournoi : on joue donc pour rappel au meilleur des cinq sets chez les hommes, et des trois manches chez les dames. Si des spectatrices assument leur préférence pour le tennis masculin, l’inverse peut aussi être vrai. Venu en famille, Sylvain s’est régalé dimanche sur le Suzanne-Lenglen devant les matchs Gauff-Andreeva et Jabeur-Danilovic : « Je préfère le tennis féminin car il offre tout autant de suspense et d’émotions, mais sans avoir besoin que les matchs dépassent les 3 heures de jeu, ce que je trouve bien trop long ».

Ironie du sort, l’orga de Roland-Garros a inauguré cette année ses night sessions 2023 avec un choix limite WTF lundi, à savoir un Sinner-Müller très déséquilibré sur le papier, et plié en 1h46. Soit 17 minutes de moins que le Gauff-Andreeva qui semblait cocher toutes les cases d’une programmation nocturne sur le Central samedi. Pour Paul, passionné de tennis de 19 ans, « on met dans la tête des gens, comme pour tous les autres sports d’ailleurs, que le tennis masculin est plus spectaculaire ». En passant son dimanche aprem sur le court Philippe-Chatrier, Paul a pu constater que dès la fin du match d’Holger Rune, les tribunes se sont vidées de manière significative pour l’arrivée d’Iga Swiatek, pourtant numéro un mondiale. C’est dire si Aryna Sabalenka et Sloane Stephens ressentiront ce dimanche soir une pression bien au-delà de leur parcours individuel à Roland-Garros.

Source: 20 Minutes