Colis : " Parfois, les chauffeurs ont davantage intérêt à ne pas livrer qu’à le faire "

June 04, 2023
476 views

« J’étais chez moi, mais j’ai trouvé un avis de passage dans ma boîte aux lettres », « Je devais être livré à mon domicile, mais mon colis a été déposé en Point Relais », etc. On ne compte plus le nombre de témoignages de ce genre liés à des problèmes de colis non reçus. « Les problèmes de livraison de colis sont assez récurrents et ont pas mal augmenté ces dernières années », constate Cyril Brosset, journaliste à l’UFC-Que Choisir. « C’est une vraie problématique ».

À cela, deux raisons : « Avec la crise de la covid, le e-commerce a augmenté, on a vu une explosion du nombre de livraisons et qui dit plus de transactions, dit forcément plus de problèmes». Qui plus est, « les sociétés n’ont pas forcément eu le temps de s’organiser en conséquence ».

Même constat pour un livreur de Chronopost préférant garder l’anonymat : « La covid a été une petite révolution pour le transport express, ça nous a surchargés d’activités ». Un bilan partagé par Abdelkader El Baz, livreur chez La Poste et syndicaliste : « La covid a augmenté l’appétence des clients : pendant la pandémie, c’est devenu un automatisme de commander en ligne. Aujourd’hui, il y a une réelle tension sur le nombre de colis ».

Selon une étude de l’Arcep publiée en octobre, « les flux de colis distribués en France et exportés (1,7 milliard d’objets) continuent de progresser à un rythme soutenu (+14,9 % en un an) et « le revenu associé à la distribution de colis atteint 8,1 milliards d’euros HT en 2021 ».

À lire sur le sujet E-commerce : des retours de colis pas si gratuits

Jusqu’à 200 colis par jour à livrer

Pour optimiser au mieux les tournées, « des logiciels donnent des plans à suivre aux livreurs, ils sont géolocalisés en permanence », indique Cyril Brosset. Dans certaines sociétés, ils encourent même des pénalités s’ils ne respectent pas les délais impartis : « Parfois, ils ont davantage intérêt à ne pas livrer qu’à le faire… Ils préfèrent dire que la personne n’était pas chez elle au lieu de faire 20 minutes de route pour aller livrer un seul colis dans une maison isolée. Ils essayent de rattraper leur retard », poursuit le journaliste.

Les pénalités servent à mettre au pas certains prestataires

Selon notre livreur Chronopost, « un chauffeur peut avoir jusqu’à 200 colis par jour à livrer… Les entreprises sont aussi touchées par l’augmentation du coût des énergies, elles recherchent la baisse des coûts à tout prix : si vous avez du retard : pénalité ! Si vous avez une signature au lieu d’un tampon : pénalité ! » « Les pénalités servent à mettre au pas certains prestataires… Le monde de la livraison, c’est un monde de tueurs, où chacun se tient par la barbichette ! », lance Abdelkader El Baz.

« En cas de non-respect de la plage horaire de livraison, nous n’appliquons pas de pénalités aux livreurs qui sont majoritairement employés par des entreprises sous-traitantes », affirme, de son côté, Chronopost, filiale de La Poste. « Les relations avec nos sous-traitants effectuant les livraisons se font dans le cadre d’un partenariat et d’une relation durable ».

« Une course à la rentabilité »

Il existe une dizaine de sociétés de livraison en France, mais toutes ont leurs sous-traitants et leurs modes de fonctionnement. « Le dernier livreur peut être un micro-entrepreneur qui ne va gagner que quelques euros sur une livraison, il n’a pas de temps à perdre, la pression prend le pas sur la qualité du service », explique Cyril Brosset.

Ce que confirme le chauffeur Chronopost : « C’est une course à la rentabilité ! En région parisienne, environ 95 % de la livraison, c’est de la sous-traitance (20 % au niveau national, NDLR) - via des SARL, EURL, autoentrepreneurs, etc. - et c’est comme ça depuis une quinzaine d’années maintenant. Et tous ces livreurs n’ont pas les avantages de Chronopost, comme les primes par exemple. C’est de la main-d’œuvre low-cost ».

À lire sur le sujet Cinq choses à savoir sur le colis

Optez pour les Points Relais !

Chronopost affirme que « plus de neuf clients destinataires sur dix se disent satisfaits du service apporté. Sur les 950 000 colis livrés quotidiennement, il peut arriver que certaines instructions ne soient pas suivies pour une minorité de colis ».

En cas de problème avec la livraison d’un colis, il convient de prendre contact avec la société auprès de laquelle vous avez acheté le produit : « C’est elle la responsable de la livraison, à charge à elle de se retourner contre le prestataire », fait remarquer Cyril Brosset, qui préconise de se faire livrer en Point Relais. « Commander sur Internet, c’est bien, mais quand vous commandez à tour de bras en voulant être livré le soir même, il faut se dire qu’il y a toute une machine derrière : plus de camions sur les routes, plus de pression sur les livreurs, etc. Quand vous avez un Point Relais à proximité, ça vaut le coup et c’est plus sûr ! »

Source: Le Télégramme