Pourquoi la crise du logement s’est autant aggravée ces dernières années ?
Le logement est le premier poste de dépenses des Français, et le plus préoccupant en ce moment. Ce lundi, Élisabeth Borne, la Première ministre, présentera les mesures qu’elle souhaite conserver à l’issue du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au sujet, en présence d’Olivier Klein, le ministre délégué à la Ville et au Logement, et de François Bayrou, secrétaire général du CNR.
Des annonces qui avaient été reportées et seront scrutées de près par le secteur, alors que tous les indicateurs sont au rouge. « Nous alertons depuis cinq ans sur les conséquences des choix des gouvernements successifs », tempête Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat (USH) et ancienne ministre du Logement sous François Hollande. « La situation est différentiée selon les territoires, mais il est vrai que les zones tendues se multiplient », reconnait Matignon. La première alarme porte sur la construction de logements neufs : fin mars, le nombre d’autorisations de nouveaux logements délivrés en un an avait chuté de 11,5 %, selon les données du ministère de la Transition écologique. En cause : une hausse des coûts de construction et « la frilosité de certains maires à construire sur leur territoire », explique Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre. Et qui dit moins de nouveaux logements, dit moins de propriétaires.
La flambée des taux d’intérêt a fait reculer les ventes
Mais ce n’est pas le seul frein à l’accession à la propriété ces dernières années. Le taux d’intérêt moyen des crédits immobiliers a dépassé en mars la barre des 3 %, pour la première fois depuis 2014, selon le Crédit logement. Ce qui a réduit de la capacité d’emprunt des ménages. Pour ceux qui n’ont qu’un faible apport, devenir propriétaire est tout bonnement devenu impossible. « Les acheteurs n’obtiennent plus leur prêt, où retardent les transactions en attendant une situation meilleure », observe Emmanuelle Cosse.
Le marché de la location semble aussi totalement bloqué. « L’offre de logements à prix modérés est asséchée, notamment en raison de la forte augmentation des locations touristiques. Les revenus générés par la location saisonnière peuvent bénéficier d’un abattement allant jusqu’à 71 % des montants perçus, alors qu’il n’est que de 30 % pour une location classique », souligne Christophe Robert. Un contexte de tension qui pousse les locataires du privé à faire du sur-place. Et pour certains à se tourner vers le parc social.
La liste d’attente pour un logement social s’allonge
Le nombre de ménages en attente d’un logement social a atteint 2,4 millions en 2022 (+ 7 % par rapport à 2021), selon l’Union sociale pour l’habitat. Or, les bailleurs sociaux ont vu leurs moyens financiers se réduire ces dernières années, et peuvent moins construire : « Ils ont subi de plein fouet la diminution des APL, la hausse de la TVA sur la production neuve, la ponction opérée annuellement par l’Etat sur leur budget… », rappelle Christophe Robert. « Quand on dégrade la situation des organismes HLM, cela ne se voit peut-être pas la première année. Mais au bout de cinq ans, on a diminué notre capacité d’investir et donc de loger nos concitoyens les plus modestes », fustige Emmanuelle Cosse.
C’est dire à quel point les attentes des acteurs de l’immobilier vis-à-vis du CNR sont grandes. « Il faut que l’Etat donne un cap, attribue des aides et fixe des objectifs », soutient Christophe Robert. « C’est au gouvernement de montrer s’il veut enfin s’intéresser sérieusement au premier poste de dépenses contraint des Français. Il faut que l’Etat revienne dans le jeu, à la fois financièrement et comme pilote. Nous avons besoin d’un cap clair, sur les taux d’intérêt par exemple, et de stabilité dans l’accompagnement du logement social », ajoute Emmanuelle Cosse.
L’attentisme ne sera pas toléré
Plusieurs mesures pourraient redonner du souffle au secteur et aux Français en quête d’un meilleur lieu de vie. La Première ministre annoncera « la prolongation du prêt à taux zéro pour les primo-accédants jusqu'à 2027 », nous indique Matignon. Mais aussi « la facilitation de la vente d'HLM aux locataires du parc social, le développement des logements intermédiaires, l'élargissement de la caution visale, des moyens supplémentaires pour réhabiliter des friches, la rachat par l'Etat de 50.000 logements à des promoteurs immobiliers... », énumère l'entourage d'Elisabeth Borne.
Reste à savoir si ces mesures satisferont les acteurs du logement qui réclamaient aussi de nouvelles dispositions fiscales pour encadrer les locations saisonnières, une déduction fiscale des intérêts d’emprunt pour les primo-accédants, des aides aux maires bâtisseurs, une diminution de la ponction du budget des organismes HLM, lélargissement de l'encadrement des loyers, le retour à un taux de TVA réduit à 5,5 % sur l’ensemble des constructions de logements sociaux neufs… « L’urgence est là, il faut des réponses concrètes », insiste Christophe Robert.
Source: 20 Minutes