Netflix : une loi peut-elle vraiment empêcher l’interdiction du partage de comptes ?

June 05, 2023
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« Alors non Netflix, ici ce n’est pas Koh-Lanta, on ne change pas les règles du jeu au dernier moment ». Dans une vidéo de 50 secondes publiée sur son compte Twitter, le député de la France Insoumise Louis Boyard s’est penché sur l’un des sujets du moment : l’interdiction à venir des partages de comptes Netflix. La plateforme a annoncé fin mai que ses abonnés en France ne pourront désormais plus partager gratuitement leur compte qu’avec les membres de leur foyer.

TU DUM 🎶 @NetflixFR veut interdire le partage de compte ?

Je vais déposer une proposition de loi pour l’empêcher de le faire.

La pauvreté explose. Cette entreprise qui paye si peu d’impôts en France ne vous taxera pas davantage.

Partagez vos comptes et vive la solidarité ✌️ pic.twitter.com/hyfMpVuK5H — Louis Boyard (@LouisBoyard) June 1, 2023

Le député de la France insoumise annonce qu’il va déposer une proposition de loi pour empêcher Netflix d’interdire le partage de comptes entre utilisateurs. « Quand on est deux ou trois sur un même compte, c’est souvent qu’on n’a pas tous les moyens de se payer son propre compte, et les jeunes en sont un bon exemple. Alors oui, le partage entre familles et amis, c’est la solidarité, c’est la culture populaire », a argumenté le député dans sa vidéo.

Le cabinet de Louis Boyard précise au Parisien que la proposition de loi ne s’arrêtera pas à Netflix. « On va viser de manière assez large les contrats de fourniture de contenus et de services numériques. Ça pourra s’appliquer aussi bien à Netflix qu’à d’autres plateformes, de streaming ou même de jeux vidéo », explique un de ses collaborateurs. « Voilà ce qu’on veut instituer : dès lors que le service propose un nombre d’écrans, ce dernier n’a pas à être restreint par le lieu où l’on se trouve ou l’identité de la personne qui utilise le compte ».

« Avec cette loi, la clause deviendra abusive »

Une telle loi peut-elle vraiment voir le jour ? Louis Boyard, lui, y croit. Et vise deux objectifs avec sa proposition de loi. « On veut créer une disposition légale opposable aux plateformes, et en même temps dire qu’elles n’ont pas le droit de contrôler les réseaux de connexion des utilisateurs », nous détaille son cabinet. En effet, pour mettre fin au partage gratuit des comptes, Netflix va se baser en partie sur l’adresse IP et l’identifiant de l’appareil du consommateur.

La plateforme est-elle en droit de le faire ? « Dans le droit français et européen, les entreprises peuvent collecter des données à caractère personnel, mais il faut que ce soit encadré et que les finalités soient bien définies », explique Aurore Bonavia, avocate spécialisée en propriété intellectuelle. « Il faut que chaque collecte de données soit justifiée. Dans ce cas précis, il faut que les données aient été collectées par Netflix pour les besoins de son activité, pour répondre aux termes des contrats avec leurs clients », détaille-t-elle.

Si l’on se fie aux conditions générales d’utilisation de Netflix, signées par chaque client au moment d’une souscription à un abonnement, la collecte de l’adresse IP et des réseaux de connexion est indispensable pour la plateforme. « Seules les personnes qui vivent avec vous peuvent utiliser votre compte (…) Le service Netflix, ainsi que tout contenu regardé via le service, est réservé à un usage uniquement personnel et non commercial et ne doit pas être partagé avec des personnes extérieures à votre foyer », stipule une des clauses.

La Cnil surveille

« Nous ne sommes pas un justiciable qui va se plaindre d’un contrat devant une juridiction », rappelle un collaborateur de Louis Boyard. « On veut créer la disposition qui permettra aux utilisateurs de dire « non vous ne pouvez pas me faire payer plus cher, non vous ne pouvez pas m’imposer cette règle », parce qu’avec cette loi, la clause deviendra abusive ».

Malgré tout, les chances de voir cette loi entrer en vigueur sont minces, estime Me Bonavia. « Il faut arrêter ces bêtises très vite et faire preuve de sérieux », estime sur son compte Twitter Guillaume Champeau, directeur Juridique et Affaires Publiques de Clever Cloud, une solution de déploiement et de maintien en conditions opérationnelles de sites et applications. Contacté, Netflix affirme avoir pris connaissance des ambitions de Louis Boyard mais ne souhaite pas les commenter. Selon nos informations, l’élu de La France insoumise devrait déposer sa proposition de loi dans les quinze prochains jours.

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La Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) précise au Parisien que le dispositif de Netflix pour interdire le partage de comptes « ne pourra être mis en œuvre que dans le respect du RGPD (Règlement général sur la protection des données, NDLR) et, le cas échéant, de la réglementation dite ePrivacy, notamment relative à l’utilisation de traceurs ».

Source: Le Parisien