" Face à l’objectif zéro artificialisation nette, n’opposons pas stérilement pavillon individuel et logement collectif "
« Le pavillon, un rêve qui prend fin », « Le gouvernement englué dans la bétonisation des sols »… l’objectif écologique de limitation de la consommation de terres pour l’urbanisation semble formulé en termes radicaux, avec d’un côté la remise en cause du mode de vie « pavillon-jardin-voiture » et, pour de nombreuses communes, l’interdiction d’étendre leur aire urbanisée. Mais la question est sans doute mal posée. Car la ville, en tant que système complexe, ne fonctionne pas de manière linéaire et ces visions rigides risquent d’engendrer une pénurie de foncier constructible, d’accentuer la crise du logement, tout en dressant les Français contre cette politique puisqu’ils désirent à plus de 80 % une maison individuelle, un souhait qui se confirme dans toutes les enquêtes depuis 1947.
Il faut d’abord discuter du terme « artificialisation » retenu pour parler de l’extension de l’urbanisation. Car en matière de biodiversité, l’agriculture industrielle induit des sols beaucoup plus artificiels que ceux des jardins des maisons individuelles ou des parcs urbains. Le néologisme « déruralisation » conviendrait mieux, car il induit le passage d’un usage rural à un usage urbain des sols, sans évoquer les conséquences techniques concrètes qui, en fait, varient largement.
L’objectif de sauvegarde des surfaces agricoles est important pour la sécurité alimentaire, mais, pour clarifier le débat, il ne doit pas être confondu avec celui de la préservation de la biodiversité. De la même manière, l’opposition manichéenne entre maison individuelle et logement collectif qui traverse les débats autour de l’objectif « zéro artificialisation nette » est contre-productive.
Pas plus que le logement collectif, la maison individuelle n’est un produit standard. Entre un secteur pavillonnaire diffus qui induit des densités de 12 à 20 logements à l’hectare et des lotissements permettant d’atteindre 50 à 60 logements à l’hectare, chiffre supérieur à certaines opérations de logement collectif, on ne parle ni du même type d’habitat ni des mêmes consommations de terre agricole ou naturelle.
Certains pays comme les Pays-Bas ou le Royaume-Uni savent depuis longtemps concevoir des lotissements denses. Et si l’on voulait rendre un hommage à Philippe Panerai, Grand Prix d’urbanisme (1999), mort le 12 mai, ce serait en définissant une véritable politique urbanistique, en faisant découvrir ou redécouvrir, en particulier auprès des élus, ses travaux écrits avec David Mangin, autre Grand Prix d’urbanisme (2008). Leur livre Projet urbain (Parentèses, 1999) est consacré à la conception de lotissements basés sur un découpage rationnel du foncier permettant d’optimiser la « déruralisation » des sols.
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Source: Le Monde