Empoisonnement de Navalny : la Russie condamnée par la CEDH pour absence d’enquête

June 06, 2023
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Alexei Navalny lors d’une comparution dans un tribunal moscovite, en février 2021. ALEXANDER ZEMLIANICHENKO / AP

L’opposant russe emprisonné Alexeï Navalny a obtenu mardi 6 juin la condamnation de la Russie par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) pour « l’absence d’enquête effective » sur son empoisonnement en 2020.

Les juges ont condamné Moscou à verser 40 000 euros au principal opposant au régime du président Vladimir Poutine « pour dommage moral ». Cette cour a pour rôle de faire appliquer la Convention européenne des droits de l’Homme à ses 46 membres. La Russie en a été exclue en septembre 2022 à la suite de son invasion de l’Ukraine, mais la juridiction peut encore être saisie pour des faits impliquant Moscou et commis avant cette date.

Dans leur arrêt, les sept juges ont estimé à l’unanimité « qu’il existait bien un risque grave et imminent pour la vie de M. Navalny dans des circonstances suspectes, ce qui avait fait naître l’obligation pour l’Etat (russe), en vertu de l’article 2 de la Convention, de conduire une enquête effective ».

En août 2020, l’opposant russe avait été empoisonné au novitchok (un produit mis au point par l’URSS à des fins militaires au cours des années 1970) avant de tomber dans le coma et avait dû être placé sous assistance respiratoire. Les expertises effectuées en Russie avaient conclu qu’aucune substance toxique n’avait été trouvée sur lui. Après son transfert dans un hôpital berlinois, les autorités allemandes avait en revanche annoncé que des prélèvements avaient révélé la présence incontestable de ce poison innervant particulièrement puissant. Ces analyses avaient été confirmées par d’autres laboratoires, en France et en Suède.

Empoisonnement au novitchok

Le novitchok est interdit par la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, rappelle la cour. Dans ces conditions, Moscou était tenu « d’ouvrir une enquête pénale sur toute activité contraire à l’interdiction des armes chimiques ».

Si elle ne va pas jusqu’à accuser les services secrets russes d’être responsables de l’empoisonnement d’Alexeï Navalny, la CEDH souligne que « pour mettre au point et utiliser ces produits chimiques, il faut du temps, des compétences et un niveau d’organisation que ne pouvaient guère atteindre des individus sans aucun lien avec les pouvoirs publics ».

La Cour observe que M. Navalny « est une personnalité de premier plan de l’opposition politique, dont l’activisme, notamment dans la lutte contre la corruption, a conduit plusieurs fois à son arrestation, à sa détention, à sa condamnation pénale et à des mauvais traitements et (…) qu’il était fondé à alléguer qu’il était persécuté pour des raisons politiques ».

Menaces et d’agressions répétées

Manifestation en soutien à Alexeï Navalny a Moscou, le 4 juin. AP

L’opposant « avait déjà fait l’objet de menaces et d’agressions répétées », ont souligné les juges. « Le mobile politique aurait dû être un élément essentiel de l’enquête. Or, non seulement l’enquête n’a pas abordé le lien possible entre les faits et les activités publiques de M. Navalny, mais elle n’a pas sérieusement suivi la thèse de l’agression avec préméditation, alors même qu’aucun des examens médicaux ou médico-légaux n’avait décelé une cause naturelle ».

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Alexeï Navalny, qui a fêté dimanche en prison ses 47 ans, a affirmé garder le moral, malgré le durcissement de ses conditions de détention. Le même jour, au moins 45 personnes ont été interpellées dans plusieurs villes russes lors d’actions de soutien à M. Navalny pour son anniversaire, selon l’ONG spécialisée OVD-Info.

Alexeï Navalny devrait être prochainement jugé dans une nouvelle affaire pour « extrémisme », où il risque 35 ans de prison supplémentaires.

Incarcéré depuis janvier 2021 et son retour en Russie après s’être remis de son empoisonnement, Alexeï Navalny estime que cette nouvelle affaire est un moyen de le garder en détention à vie.

En mars 2021, il a été condamné à neuf ans d’emprisonnement pour des accusations « d’escroquerie » qu’il juge fictives. Depuis sa prison, située à 200 kilomètres de Moscou, il continue de transmettre à son équipe des messages racontant sa détention et dénonçant Vladimir Poutine et son invasion de l’Ukraine.

Le Monde avec AFP

Source: Le Monde