Immigration : "Aujourd’hui, plus de 90% des passages de migrants de la France vers la Grande-Bretagne se font en 'small boats'", selon l'Office de lutte contre le trafic illicite de migrants
Interrogé par franceinfo, Xavier Delrieu, chef de l’OLTIM, explique que la France "travaille sur ce trafic avec les mêmes méthodes de police, les mêmes techniques d’enquête que dans le trafic de stupéfiants".
C'est un chiffre record, qui inquiète les autorités britanniques : en 2022, près de 46 000 migrants ont traversé la Manche pour rejoindre la Grande-Bretagne depuis les côtes françaises. L'immigration clandestine est depuis plusieurs années un point de tension entre Londres et Paris. "Stopper les bateaux" est l'une des priorités affichées par le Premier ministre britannique Rishi Sunak. De ce côté de la Manche, les autorités françaises scrutent les départs et traquent les réseaux des passeurs sur terre, sur mer, mais aussi dans les airs. Xavier Delrieu, chef de l’OLTIM, l'Office de lutte contre le trafic illicite de migrants, estime toutefois que les réseaux sont de plus en plus structurés et toujours plus agiles.
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franceinfo : pourquoi les migrants qui veulent aller en Grande-Bretagne le font-ils aujourd’hui essentiellement par voie maritime ?
Xavier Delrieu : On assiste en effet depuis deux ou trois ans à un basculement des modes opératoires. Aujourd’hui, plus de 90% des passages de migrants de la France vers la Grande-Bretagne se font en "small boats", des embarcations de fortune. Avant, la plupart des migrants traversaient dans des poids lourds. Mais on a eu d'abord en 2019 le drame des 39 Vietnamiens asphyxiés dans un camion frigorifique. Ensuite l’arrivée du Covid ; avec la fermeture des frontières aériennes, terrestres et maritimes, le seul moyen de traverser était en "small boat".
Comment sont organisés les réseaux de passeurs ?
Ils sont très structurés et se sont vraiment professionnalisés depuis 2020. Ils sont principalement tenus par les irako-kurdes, mais on retrouve également des Afghans. D'ailleurs, ces réseaux travaillent souvent ensemble en ce moment. Les têtes de réseaux ont mis en place des chaînes d'approvisionnement de matériel. Donc ils ont toute une logistique pour délivrer des bateaux pneumatiques, des moteurs, des gilets de sauvetage importés de Chine légalement vers la Turquie. Ensuite, les réseaux kurdes font passer le matériel qui ne répond pas du tout aux normes européennes clandestinement en Allemagne et parfois aux Pays-Bas. Le matériel est alors acheminé vers les trafiquants implantés en France qui organisent des traversées.
Il y a beaucoup de similitudes avec les réseaux de trafiquants de drogue, pourquoi ?
Parce qu’ils sont organisés de la même façon. Il y a des donneurs d’ordre, des logisticiens. Vous avez aussi des guetteurs qui, lors des mises à l'eau, surveillent les plages. Si les forces de sécurité intérieure ne sont pas à proximité, vous avez des rabatteurs qui sont dans les camps et qui viennent chercher des candidats au départ. Des banquiers "hawala" (système de paiement informel par le biais de courtiers, souvent des commerçants dans les pays d’origine des migrants, ce qui évite que l’argent circule en Europe, ndlr). Et puis ce n’est pas rare de voir des véhicules ouvreurs avant ceux qui transportent des migrants ou du matériel. On travaille sur ce trafic avec les mêmes méthodes de police, les mêmes techniques d’enquête que dans le trafic de stupéfiants.
Source: franceinfo