Dylan Thiry : que risque l’influenceur accusé de " trafic d’enfants " ?

April 27, 2023
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« La fin de Dylan Thiry », prédite par le rappeur Booba, est-elle arrivée ? L’artiste devrait attendre un peu avant d’ajouter l’influenceur luxembourgeois à son tableau de chasse. Lancé depuis plusieurs mois dans une croisade contre ces nouvelles coqueluches d’Internet, le rappeur originaire de Boulogne, associé au collectif AVI, a publié lundi une série de notes vocales - dont l’authenticité n’a pas été confirmée - dans lesquelles cet ex-candidat de téléréalité ferait part d’un nébuleux projet d’adoption d’enfants à Madagascar.

Dans l’une d’elles, l’influenceur de 29 ans, qui n’a pas contesté être à l’origine de ces notes, raconte avoir été contacté par Jazz Correia, figure incontournable de la téléréalité française, qui aurait sollicité son aide pour adopter à l’étranger. Dans un autre message vocal, destiné à son ex-agente - qui serait à l’origine des fuites -, celui qui a effectué plusieurs séjours prétendument humanitaires à Madagascar explique avoir imaginé un stratagème pour faire sortir des enfants malgaches de l’île. « Pour sauver une petite fille, je vais prendre le passeport de n’importe quel pote qui a une fille noire. Il me donne, il va faire une déclaration de perte un petit peu plus tard. Et avec ce passeport, c’est comme si j’étais venu à Madagascar avec elle. Et moi je repars en Europe avec elle », explique-t-il.

Un signalement a été effectué mercredi auprès du parquet de Paris par deux députés. Dans leur lettre adressée à la procureure de Paris, Stéphane Vojetta (Renaissance) et Arthur Delaporte (PS), à l’origine de la proposition de loi visant à lutter contre les arnaques et les dérives des influenceurs, s’inquiètent de déclarations qui, « si elles sont suivies d’effets, pourraient s’apparenter à du trafic d’enfant ». A-t-il une chance d’aboutir à une enquête ? On fait le point.

Avec @StephaneVojetta nous avons saisi ce jour la procureure de la République au titre de l’article 40 suite aux soupçons de trafic d’enfants après la diffusion d’enregistrements. L’enquête déterminera si ces éléments sont caractérisés. pic.twitter.com/RiVccqlRmU — Arthur Delaporte (@ArthurDelaporte) April 26, 2023

Peut-on parler de trafic d’enfants ?

Les deux députés se basent sur la Convention internationale relative aux droits de l’enfant de 1989, sorte de base juridique internationale dont le but est de protéger les enfants contre toute forme de discrimination et de veiller à ce que pour chaque décision les concernant, se fasse dans leur « intérêt supérieur ». Signé par Madagascar, pays où Dylan Thiry a imaginé mettre en œuvre son projet et par le Luxembourg, État dont il possède la nationalité, ce texte stipule que les gouvernements doivent veiller « à ce que les placements d’enfants à l’étranger soient effectués par des autorités ou des organes compétents ». Mais, contrairement aux allégations des députés, la convention n’évoque pas le trafic d’enfants.

Le ministère des Affaires étrangères donne une définition de cette pratique : « On considère qu’il y a trafic d’enfant dès qu’un acte illégal, attentatoire à son état, est commis en vue du transfert de l’enfant d’une personne ou d’une institution à une autre ». Même si l’influenceur ne pense pas à mal et répète à plusieurs reprises au cours des enregistrements vouloir « sauver » des petits Malgaches, son projet s’apparenterait donc bel et bien à cela.

Condamné pour avoir seulement évoqué des projets ?

C’est une difficulté à laquelle pourraient être confrontés Stéphane Vojetta et Arthur Delaporte. Les idées de l’ex-candidat de « Koh-Lanta » sont certes condamnables moralement, mais est-ce suffisant pour le traîner devant les juges ? « Le simple fait de développer l’idée de réaliser une infraction n’est pas suffisant pour être puni en droit français », rappelle William Julié, avocat spécialisé en droit pénal et droit de l’Homme. « La question est de savoir si des actes préparatoires ont été commis et, là, ce serait potentiellement condamnable. »

Contactée par Libération, Jazz Correia a confirmé avoir sollicité l’influenceur, il y a deux ans, dans le but d’adopter un enfant via « des associations en lien avec des orphelinats sur place ». Mais elle assure que sa demande est restée sans réponse et qu’elle n’a jamais eu vent du plan révélé par les notes vocales. Selon nos confrères, le mis en cause a d’ailleurs déjà fait part de ses propres états d’âme : « J’ai réfléchi et je me suis dit : mais en fait je ne vais quand même pas prendre un billet sur l’enfant (…) Du coup je n’ai jamais contacté Jazz ni personne. »

La justice française est-elle compétente ?

Et si les déclarations ont bien été « suivies d’effets », que le plan a bel et bien été mis à exécution pour une autre famille adoptive, la justice française est-elle la plus compétente pour juger des crimes présumés commis à Madagascar par un citoyen luxembourgeois ? « La justice française est compétente pour juger des infractions commises hors du sol français, par des ressortissants étrangers sur des victimes étrangères, uniquement dans des cas extrêmement graves de crime contre l’humanité, de terrorisme ou de torture, ce qui ne semble pas être le cas ici », souligne William Julié.

L’association de Dylan Thiry, « Pour nos enfants », fondée en novembre 2021 dans le but de récolter des fonds pour les enfants malgaches et aujourd’hui dissoute en raison de plusieurs plaintes de donateurs est, elle, domiciliée en France. Un détail qui pourrait permettre à Paris d’engager des poursuites. Encore faudrait-il déterminer que cette société est liée aux crimes présumés.

Source: Le Parisien