Logement : un plan inachevé

June 07, 2023
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La perspective d’une « bombe sociale », comme l’affirment depuis des semaines les acteurs du logement pour parler de la crise qui s’annonce, n’a pas provoqué le grand soir attendu. Les annonces faites lundi 5 juin par la première ministre, après la restitution des travaux du Conseil national de la refondation, ont plongé le secteur dans un mélange de dépit et de sentiment d’inachevé. Entre une poignée de mesures immédiates et une série de chantiers en devenir, la feuille de route tracée par Elisabeth Borne a pris des allures minimalistes qui illustrent un changement de cap clairement assumé : l’ère du soutien tous azimuts de l’Etat est révolue.

Emmanuel Macron avait déjà annoncé la couleur quelques semaines auparavant en décrivant la politique du logement comme « un système de surdépenses publiques pour de l’inefficacité collective » dans « un secteur où on finance l’offre, l’investissement et la demande », alors que, « malgré tout, on produit moins, et c’est plutôt plus cher qu’ailleurs ». Ce diagnostic sévère du chef de l’Etat intervient à un moment de retournement du marché. L’argent gratuit, qui a conduit à entretenir la hausse du marché immobilier, appartient au passé. Le durcissement des conditions de crédit annonce des lendemains qui déchantent.

Le gouvernement a plutôt raison de ne pas céder à la tentation de soutenir le secteur à bout de bras pour tenter d’enrayer la baisse des prix qui se profile. L’expérience a montré que, si les incitations fiscales stimulent péniblement l’offre de logement, elles participent en revanche activement à l’augmentation des prix. Depuis la crise immobilière des années 1990, ceux-ci ont été multipliés par plus de 3 et même par 3,5 à Paris, en totale décorrélation des tendances de fond du reste de l’économie. Le secteur en a bien profité sans préparer des mauvais jours qui semblent désormais inéluctables.

Si l’embellie a permis de booster l’effet richesse pour la moitié des Français qui sont propriétaires, elle a, dans le même temps, abouti à renforcer les inégalités face à l’accès à la propriété. Une récente note du groupe de réflexion Terra Nova rappelle qu’en l’espace de quarante ans le taux de propriétaires parmi les jeunes ménages modestes a été divisé par deux, ce qui a été l’un des moteurs de la montée du sentiment de déclassement. Une baisse des prix de l’immobilier rapide et substantielle peut permettre un certain rééquilibrage entre générations, et entre propriétaires et locataires ou accédants. Ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle.

Face à des finances publiques contraintes, le gouvernement fait des choix. La suppression du dispositif Pinel, qui coûte cher au contribuable sans avoir pour autant fait la preuve de son efficacité, semble logique. De même, il n’est pas aberrant d’exclure des prêts à taux zéro l’habitat individuel pavillonnaire, afin de limiter l’étalement urbain, dont l’impact environnemental est montré du doigt.

En revanche, les atermoiements sur la remise à plat de la fiscalité des locations sont plus incompréhensibles. Celles de longue durée doivent être favorisées au détriment des meublés de tourisme de type Airbnb, qui profitent d’une niche fiscale injustifiée. Or, le gouvernement tarde à trancher. Quant au logement social, le « pacte de confiance » noué avec les bailleurs sociaux devra se concrétiser par des actes en matière de production et de rénovation. A ce stade, le plan du gouvernement ressemble à un chantier dont il faudra attendre l’achèvement pour savoir s’il est capable de relancer le secteur sur des bases plus saines.

Le Monde

Source: Le Monde