Au Maroc, le concert de Booba annulé après un appel au boycott lancé par une mouvance nationaliste

June 07, 2023
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Le rappeur français Booba sur la scène du festival Mawazine, à Rabat, en mai 2017. YOUSSEF BOUDLAL / REUTERS

Un concert de Booba programmé le 21 juin à Casablanca a été annulé par les autorités marocaines, ont confirmé, mardi 6 juin, ses organisateurs. Le même jour, un courriel confirmant l’annulation a été envoyé aux quelque 6 000 spectateurs qui avaient acheté leur billet. Il y a plus de deux mois, une campagne de boycott accusant le rappeur français de sexisme avait été lancée sur les réseaux sociaux. Si ses instigateurs se félicitent de cette décision, les militantes féministes, quant à elles, alertent sur les motivations patriarcales des groupes mobilisés pour l’annulation du concert.

« Petite Marocaine se tape Berlusconi », dans le titre E.L.E.P.H.A.N.T, ou « Je vais à la chicha qu’pour les beurettes », dans Génération assassin : telles sont les paroles, jugées insultantes pour les femmes nord-africaines, pour lesquelles Booba a été mis en cause sur les réseaux sociaux. Une pétition en ligne a lancé la mobilisation, le 23 mars, recueillant près de 4 500 signatures. Et le 28 mars, le Club des avocats au Maroc a porté plainte contre Booba pour avoir tenu « des propos dégradants envers les femmes marocaines et nord-africaines ». Pour eux, sa présence sur le territoire marocain « constituerait une menace à l’ordre public ».

« Je suis satisfait de voir ce dénouement heureux. On a le sentiment d’avoir été entendu par nos autorités et l’opinion publique a gagné », se félicite Tarik Talk, à l’origine de la pétition. Très suivi sur Twitter, l’homme est apparenté à la mouvance souverainiste des « Moorish », ardents défenseurs d’une identité marocaine forte sur les réseaux sociaux, dont les membres sont en majorité issus de la diaspora. « C’est une victoire de tous les Marocains », ajoute-t-il.

Une démarche « patriotique »

Pour Betty Lachgar, militante féministe et présidente du Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI), cet appel au boycott mené principalement sur Twitter est loin d’être une initiative féministe. « C’est la droite, voire l’extrême droite marocaine, qui est à l’origine de cette mobilisation, explique-t-elle. La démarche est patriotique, nationaliste et surtout patriarcale. Le message qu’ils prônent est : on ne touche pas à nos femmes, nos propriétés. » Et de souligner qu’« ils ont soutenu le chanteur Saad Lamjarred, condamné à six ans de prison en France pour viol ».

L’organisateur du concert, qui souhaite garder l’anonymat, avait rappelé au début de la polémique que les cinq précédents concerts de Booba au Maroc avaient rencontré un franc succès, alors même qu’ils avaient eu lieu après les chansons problématiques du rappeur. En 2017, il s’était produit devant 100 000 spectateurs, selon les médias locaux, sur la scène de Mawazine, l’un des plus importants festivals du pays, à Rabat.

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Source: Le Monde