A la Fondation Cartier, les crânes monumentaux du sculpteur Ron Mueck

June 07, 2023
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Ron Mueck (à droite), le 31 mai 2023 lors de l’installation de l’exposition qui lui est consacrée à la Fondation Cartier, à Paris. MICHEL SLOMKA/MYOP/LUMENTO

Des montagnes de crânes humains géants et l’égorgement d’un cochon en miniature, un nouveau-né XXL à plat et un autre minuscule en suspens, des molosses agressifs et un petit homme mis à nu : l’énumération des œuvres à découvrir dans la nouvelle exposition de Ron Mueck, à la Fondation Cartier pour l’art contemporain, à Paris, a quelque chose d’une formule ésotérique. L’ensemble, pour moitié des œuvres récentes, offre en tout cas un contrepoint aux scènes et corps ultraréalistes présentés dans les deux premières expositions de l’artiste dans les lieux, en 2005, puis en 2013, avec un détachement sensible de l’exactitude de la chair et un intérêt accru pour l’énergie de groupe.

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Ron Mueck, 65 ans, est un artiste secret et taiseux, qui a quitté Londres pour la petite île de Wight depuis quelques années, expose rarement et produit peu. Le décompte surprend : l’artiste n’a créé que quarante-huit œuvres au cours de sa carrière, commencée il y a plus de vingt-cinq ans à l’occasion d’une collaboration avec sa belle-mère, Paula Rego, à un rythme de deux sculptures par an. « Plus qu’une fidélité, c’est un compagnonnage entre lui et nous, une relation de confiance sur le long terme », souligne Hervé Chandès, le directeur de la Fondation Cartier et commissaire de l’exposition.

On aperçoit l’artiste, très concentré, lorsque l’on se rend sur le montage de l’exposition, une dizaine de jours avant son ouverture, le 8 juin. Ron Mueck ne souhaite pas donner d’interview ou s’exprimer sur son travail, mais nous salue au milieu des crânes monumentaux qui s’accumulent dans la grande pièce entièrement vitrée de la Fondation. L’artiste observe à quel point l’immersion de son installation dans l’écrin de verre et de vert – celui des jardins et des arbres autour du bâtiment – lui donne une atmosphère particulière, entre ombres et rais de lumière.

Clairière funéraire

Ces cent crânes d’environ un mètre cube chacun, il les avait conçus dans le cadre de la Triennale de Melbourne de 2017, à l’occasion d’une carte blanche à la National Gallery of Victoria. Ils formaient des tas épars à travers une aile consacrée à la peinture européenne du XVIIIe, dont plusieurs natures mortes et memento mori. Le musée, qui en avait alors fait l’acquisition, prête l’œuvre – la plus grande qu’il ait jamais réalisée – pour la première fois. Elle surgit ici dans un autre contexte : la proximité des Catacombes de Paris, au bout de la rue.

Sorte de clairière funéraire au milieu de la nature environnante, l’installation a la particularité d’être entièrement modulable dans l’espace. La disposition des crânes, dont le transport a nécessité douze containers pour un voyage de deux mois entre Melbourne et Le Havre, est orchestrée par une équipe de six monteurs à partir d’une maquette centrale, réplique de l’espace où les crânes ont la taille d’œufs, et sont d’ailleurs stockés dans des boîtes à œufs.

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Source: Le Monde