Le conducteur qui a percuté 13 personnes assure s'être laissé " entraîner par la foule "

June 07, 2023
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Il n’en mène pas large dans le box en verre de la salle d’audience du tribunal correctionnel de Bordeaux. Kévin Pallas, 32 ans, en détention depuis près de deux mois, était jugé ce mercredi pour « violences involontaires ayant entraîné moins de trois mois d’interruption totale de travail (ITT) ». Après une perte de contrôle de son véhicule, il a blessé 13 personnes, lors d’un rassemblement de passionnés de voitures, le 14 avril dernier à Bordeaux-Lac. Les victimes souffrent de traumatismes aux jambes, aux cervicales ou au dos à différentes échelles de gravité et certaines sont aussi marquées par des séquelles psychologiques. N’ayant consommé ni alcool ni stupéfiant ce jour-là, le trentenaire au casier vierge raconte à la barre qu’il s’est laissé « entraîné par la foule ».

Kévin Pallas a été condamné à trois ans de prison dont 24 mois avec sursis, l’obligation d’indemniser les victimes et d’effectuer un stage de sécurité routière. Les douze mois ferme sont aménagés avec un placement sous surveillance électronique à domicile. Son avocate avait insisté sur son état de santé « incompatible avec la détention ». Atteint de myopathie (grave maladie neuromusculaire), le trentenaire n’a pas pu suivre ses exercices de kinésithérapie en détention et s’est retrouvé à ne plus pouvoir monter les escaliers. Son permis de conduire a été suspendu pendant un an et son véhicule confisqué.

Un jeune homme très influençable

Le soir de l’accident, comme chaque vendredi près du Conforma de Bordeaux-Lac, une démonstration de passionnés de bolides faisant vrombir leurs moteurs est organisée via les réseaux sociaux. Convaincu par des amis, Kévin Pallas s’y rend au volant de sa Citroën C3 grise, emmenant à son bord trois connaissances qui n’ont pas le permis. « Sa voiture n’a pas de couleur ou de décor particulier », pointe Matthieu Lanouzière, le président du tribunal. Et pour cause, ce n’est pas un adepte des « runs » ou « rodéos urbains ».

Cette C3, Kévin Pallas l’a achetée à crédit pour se rendre au travail dans une entreprise de logistique qui l’emploie depuis cinq ans en CDI. Souffrant d’une myopathie, il a un statut de travailleur handicapé mais est parvenu à décrocher ce poste à temps plein. Le trentenaire est placé sous curatelle renforcée, notamment pour la gestion de son budget et les experts qui l’ont examiné parlent d’un caractère « particulièrement influençable », rapporte le président du tribunal.

Le soir du 14 avril, grisé par l’ambiance du moment et la foule admirative, Kévin Pallas se met dans la file pour rouler sur la chaussée où paradent les voitures tunées. Ses passagers sont d’accord pour qu’ils s’y essaient pour un tour mais il y prend goût et veut retenter sa chance. Il s’exclame même « je suis en pilote », selon la procureure Caroline Maxwell, qui rapporte les propos de l’un des passagers, au cours de la courte enquête. « Il est relativement faible, influençable et se laisse facilement déborder », commente son avocate maître Valentine Poret. Au troisième passage, il perd le contrôle de son véhicule dans un virage alors que la chaussée est glissante, renversant 13 personnes qui assistent à la manifestation. Après l’accident, il prend la fuite, ce qui révolte particulièrement les victimes.

Un délit de fuite désespéré ?

« J’avais mes passagers en pleurs, j’ai eu peur qu’on se fasse taper dessus, j’ai paniqué et j’ai voulu quitter les lieux », tente d’expliquer Kévin Pallas, les mains croisées dans le dos. Il est poursuivi par certains des participants en voiture et se fait même frapper au visage sur le pont d’Aquitaine, sur lequel il ne veut pas s’arrêter pour ne pas prendre de risque supplémentaire. Il se garera sur un parking à Lormont. Alors que ses passagers partiront prendre le tram, le trentenaire restera sur place et reconnaîtra être l’auteur de l’accident à l’arrivée de la police. Ce mercredi, le président notera toutefois qu’un véhicule s’était stationné derrière la C3 afin d’empêcher Kévin Pallas de s’enfuir à nouveau. « Tout le monde filme dans cette manifestation, il n’a aucune possibilité d’échapper à sa responsabilité, note pour sa part maître Valentine Poret. Il s’arrête au premier parking qu’il trouve après avoir pris la première sortie. »

Kévin Pallas s’est excusé à plusieurs reprises, espérant que les victimes pourront « se rétablir rapidement ». Il s’est dit aussi définitivement écœuré par la discipline.

Une audience ultérieure aura lieu concernant l’indemnisation des victimes.

Source: 20 Minutes