Yaël Braun-Pivet réveille le spectre de la commission Benalla avec sa décision sur la PPL Liot
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BERTRAND GUAY / AFP BERTRAND GUAY / AFP
POLITIQUE - « Les travaux ont été empêchés ». La phrase date du 1er août 2018, en pleine affaire Benalla. Guillaume Larrivé, co-rapporteur LR de la commission d’enquête sur l’affaire Benalla, fulmine face à Yaël Braun-Pivet, présidente de la Commission des Lois. Cinq ans plus tard, elle est devenue présidente de l’Assemblée nationale et fait face aux mêmes remontrances après sa décision d’empêcher les discussions en séance sur le texte LIOT d’abrogation de la réforme des retraites, « au nom de la Constitution ».
Le 23 juillet 2018, la commission des Lois de l’Assemblée nationale se transforme en commission d’enquête. Son objectif : déterminer les responsabilités - notamment politiques - dans l’affaire qui met en cause l’ancien garde du corps d’Emmanuel Macron devenu conseiller du Président et pris en flagrant-délit de violences lors d’une manifestation le 1er mai. Censée durer un mois, elle prend fin au bout de... quatre jours. Le co-rapporteur LR Guillaume Larrivé claque la porte en dénonçant une « parodie », suivi par l’ensemble des élus d’oppositions.
Le 1er août, la commission accouche d’un compte rendu (et non d’un rapport comme le veut l’usage) où le même Larrivé pointe le refus de Yaël Braun-Pivet, soutenue par la majorité, d’auditionner « des responsables de la présidence de la République, du ministère de l’intérieur et du parti La République en Marche ». Comprendre : Alexis Kholer, le secrétaire général de l’Élysée et Christophe Castaner, alors ministre de l’Intérieur.
Braun-Pivet et le refuge de la loi
Ces critiques, Yaël Braun-Pivet les balaie d’un revers de loi. « Je rappelle que des procédures judiciaires sont en cours et que les débats parlementaires n’ont jamais eu vocation à empiéter sur les pouvoirs qui sont ceux de l’autorité judiciaire. (...) C’est là une limite de notre enquête, quand bien même certains auraient voulu la franchir », se défend-elle le 1er août 2018 face à ses pairs.
Cinq ans plus tard, alors qu’il est question cette fois de la recevabilité d’un texte de loi, sa stratégie n’a pas varié. L’article 1 de la proposition de loi LIOT pour abroger la réforme des retraites et les amendements déposés pour le remettre à l’ordre du jour le 8 juin ne doivent pas être discutés en séance car ils ne sont « pas conformes à la Constitution » au vu de l’impact sur les finances publiques assène-t-elle ce mercredi sur BFMTV.
La présidente de l’Assemblée nationale se montre ferme. Pourtant, quelques semaines plus tôt, elle assurait de ne pas vouloir convoquer un nouveau bureau de l’Assemblée pour étudier à nouveau la recevabilité du texte : « Elle ne veut pas qu’on piétine l’Assemblée nationale », déclarait son équipe au Monde le 24 mai. Mais en 15 jours, la pression s’est accentuée sur la députée des Yvelines.
« Elle a une pression de ouf sur elle » - Une figure montante des élus Renaissance
À la fin du mois de mai, une figure montante du groupe Renaissance résumait en ces termes : « Elle a une pression de ouf sur elle. Et c’est normal, on y participe tous. C’est elle qui a la clé, donc elle n’a pas vraiment le choix. Parce que si la PPL était votée dans l’hémicycle, cela enverrait un signal politique terrible. Ça remettrait une pièce dans le cochon et ça bloquerait tout le reste. »
Pour la gauche, « on est un cran au-dessus » de Benalla
La pression de ses collègues, Yaël Braun-Pivet connaît. En 2018 déjà, les oppositions s’agacent de ses décisions qu’ils jugent dictées par sa hiérarchie. « Pourquoi avoir pesé comme vous l’avez fait sur les épaules de la présidente de la Commission des Lois pour interrompre un processus en recherche de vérités demandé par les Français ? », réclamait ainsi le député David Habib (PS) à Gilles Le Gendre, alors président du groupe LREM à l’Assemblée, sur LCP le 4 février 2019.
Depuis 2018, Yaël Braun-Pivet a pris du galon. Éphémère ministre des Outre-mer, elle est devenue en juin 2022 la première femme à présider l’Assemblée nationale. Mais l’affaire Benalla la suit.
En témoigne, lors de son élection au Perchoir, cette réaction acerbe de la cheffe de file France Insoumise Mathilde Panot. « L’Assemblée est maintenant présidée par Yaël Braun-Pivet, la même qui avait enterré la commission parlementaire sur l’affaire Benalla. Symbole d’une Assemblée d’un autre temps, entièrement soumise à l’exécutif. » Un an plus tard, elle ne renie pas ses mots. « C’est le gouvernement qui est à la manœuvre, la séparation des pouvoirs n’existe pas », fustige-t-elle face aux journalistes le 1er juin, au lendemain de la commission des Affaires sociales où la PPL Liot se voit privée de son article essentiel. Les critiques des oppositions en 2023 font d’ailleurs écho à celles de 2018, comme le montre la vidéo en tête d’article, avec le même reproche : celui « d’entraver la démocratie ».
« Yaël Braun-Pivet vient de rater la marche vers l’Élysée »
Tout le monde ne partage pas cet avis. L’un des acteurs LR de la commission Benalla réfute toute comparaison. « Cela n’a rien à voir. Yaël Braun-Pivet applique la Constitution. Elle est dans son rôle. Sous la Ve, ce n’est pas à un groupe minoritaire de dicter le tempo. » Côté socialiste, on hésite aussi à mettre sur le même plan la Braun-Pivet d’alors et celle d’aujourd’hui, mais la raison est tout autre : « C’est la même actrice, mais la différence avec Benalla c’est qu’il y avait une commission d’enquête au Sénat. Là, on est un cran au-dessus. Yaël Braun-Pivet n’est qu’un pion dans une pratique gouvernementale qui ne va pas ».
« Nous n’avons eu aucune pression », affirme-t-on dans l’entourage de Yaël Braun-Pivet qui se défend de faire de la politique et dit s’en tenir « aux règles de notre Assemblée ». « Il est hors de question pour elle de tordre le règlement. Un coup ça coûte à la majorité, un coup à l’opposition, mais c’est la ligne qu’elle s’est fixée ».
« Elle est faible. Elle pouvait gagner 10 points dans les sondages et être la nouvelle star », rigole un conseiller du groupe LIOT, pas loin de pronostiquer la fin politique de la députée des Yvelines à qui l’on prête des ambitions au sommet. Un député Renaissance franchit le pas : « Elle s’est couchée et n'a pas résisté à la pression, c’est dommage. Yaël Braun-Pivet vient de rater la marche vers l’Élysée. »
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Source: Le HuffPost