Concours Lépine: cette famille azuréenne invente un outil révolutionnaire pour nettoyer sa piscine
Passer l'épuisette dans sa piscine. D'un côté d'abord, puis de l'autre. Contempler le résultat de son travail fastidieux avec fierté. Un coup de vent, puis tout recommencer. Si Jean-Jacques et Gwenaëlle Bertrand ne peuvent se targuer d'influencer Éole, ils vous promettent en revanche de simplifier les conséquences de ses facéties. Côté piscine tout du moins!
En 2005, Jean-Jacques achète l'hôtel des Liserons, à Mougins. "Il y avait une gigantesque piscine, avec des arbres tout autour, et des feuilles qui tombaient dans tous les coins!" se souvient l'inventeur. Belle à regarder, mais pas une partie de plaisir à entretenir: "J'ai su ce que c'est que de passer l'épuisette de façon standard. On y passe un temps fou et ça fait mal au dos!"
"J'ai pris ce que j'avais sous la main"
Ce mal de dos, pour Jean-Jacques Bertrand, ce n'est plus possible. Et en situation de handicap, c'est encore moins simple. Alors, il y a une bonne dizaine d'années, le voilà qui se met à l'établi. Un boulon par-ci, un tube en aluminium par là, "j'ai fait avec ce que j'avais sous la main" raconte Jean-Jacques, amusé. Le premier prototype coule directement au fond de la piscine. Pas de quoi décourager notre bricoleur qui, d'essai en essai, finit par arriver à un produit qui lui convient: "il suffit de tirer sur un bout de ficelle, c'est tout!"
Jean-Jacques vend son hôtel, et part s'installer en 2018 dans une maison en Normandie, peu avant le début de la crise sanitaire de la Covid. Bientôt rejoint par sa Gwenaëlle, afin de passer le confinement ensemble. Au détour d'une conversation, "j'ai parlé à ma fille de mon idée d'épuisette, mais je ne la trouvais plus!" Quelques recherches plus tard, "j'ai fini par remettre la main dessus, et puis, comme on n'avait pas grand-chose d'autre à faire, on a commencé à en parler" se souvient Jean-Jacques.
Avec la bénédiction de son père, il y a trois ans, Gwenaëlle Bertrand reprend le concept pour l'amener à l'étape supérieure: en faire un produit vendable. Après une minutieuse recherche d'antériorité, père et fille déposent le brevet de l'invention. "Certains brevets similaires avaient été déposés, mais aucun n'avait eu l'ingéniosité de mon père de proposer un système sans cadre et démontable!" se souvient l'entrepreneuse.
Une épuisette qui a fortement évolué
"J'ai recruté un ingénieur industriel, avec qui j'ai bossé un an, et on a fait huit produits. Chacun étant une évolution du précédent" explique Gwenaëlle. Et d'ajouter: "Il fallait simplifier au maximum. D'une quinzaine de pièces en métal avec tiges filetées et boulons, nous sommes arrivés à une seule pièce en PA66. C'est un plastique anti-UV, anti-sel et anti-chlore particulièrement solide et durable et recyclable. Le filet est la seule pièce d'usure qui peut être changée seule sans racheter l'ensemble."
La partie recherche et développement permet de "trouver de petites techniques. L'épuisette flotte parce que les tubes et les bras sont hermétiques et c'est l'air enfermé dans les tubes qui permet de flotter" raconte Gwenaëlle. Exit donc les flotteurs collés dont les matières sont loin d'être écologiques. "Pas de surmoulage mais des tubes faits sur-mesure, pas de déchets de matériaux, un cahier des charges strictes pour des fournisseurs ISO9001 (système de management de la qualité et processus associés NDLR), on voulait obtenir un produit le plus écolo possible." ajoute-t-elle.
Produire en aidant la réinsertion
Dans le but d'employer des personnes parfois loin de l'emploi et dans le besoin d'un coup de pouce pour réintégrer le marché du travail, Gwenaëlle Bertrand pousse la porte de plusieurs Établissements et service d'aide par le travail (Esat). "L'idée de mon père fait aujourd'hui fait travailler des gens pour qui ce n'est pas toujours facile" se réjouit-elle. "Nous employons des immigrés en insertion en France, on a même des Russes et des Ukrainiennes dans le même atelier de couture! On a des gens au RSA longue durée et des handicapés physiques", tous unis autour d'un même projet.
Primée par deux fois au concours Lépine en 2021, de la médaille de bronze et de la médaille du ministère de l'Outre-mer, l'épuisette Platypool est aujourd'hui vendue en Espagne, au Portugal, en Italie, en Belgique et bien sûr en France. "On est parti de mes petits bricolages, avec une perceuse, une scie à main et des boulons achetés chez le quincaillier du coin pour finir vendu dans l'Europe entière. Le robot de surface existe, mais ça coûte une fortune et tout le monde ne peut pas se le permettre, et un robot ça tombe en panne!" lance Jean-Jacques Bertrand, non sans une pointe d'émotion.
Source: Nice matin