Le dopage involontaire, ce fléau qui a ralenti la progression d'Haddad Maia

June 08, 2023
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A Roland-Garros,

Beatriz « Bia » Haddad Maia a mis du temps à trouver sa place dans l’élite du tennis féminin, mais la voilà enfin installée. La Brésilienne de 27 ans n’avait jamais dépassé le 2e tour d’un tournoi du Grand Chelem avant le début de la quinzaine, ni joué sur le Philippe-Chatrier avant le tour précédent. Et là voilà qui fait son entrée dans le top 10 WTA la semaine prochaine. En attendant, elle se tient devant la reine des lieux, Iga Swiatek, en demi-finale de Roland-Garros. Un bug dans la matrice, une anomalie ? Plutôt la fin des emmerdes pour la Paulista, qui fête les dix ans de sa première victoire sur le circuit WTA. Depuis, une succession d’embrouilles - dont une majorité de blessures - a retardé l’ascension promise à l’héritière de Guga.

2013 : Blessure à l’épaule à la suite d’une chute sur le terrain + hernie discale. Quatre mois d’arrêt

Blessure à l’épaule à la suite d’une chute sur le terrain + hernie discale. Quatre mois d’arrêt 2015 : A peine le temps de remonter la pente que Bia se blesse à nouveau à l’épaule. Elle subit une nouvelle opération et s’arrête six mois.

A peine le temps de remonter la pente que Bia se blesse à nouveau à l’épaule. Elle subit une nouvelle opération et s’arrête six mois. 2017 : Elle est victime d’un accident domestique à l’aube de la saison WTA. Bilan, trois vertèbres fracturées, un peu plus d’un mois d’arrêt.

Elle est victime d’un accident domestique à l’aube de la saison WTA. Bilan, trois vertèbres fracturées, un peu plus d’un mois d’arrêt. 2020 : La Brésilienne doit subir une intervention chirurgicale pour retirer une tumeur à la main gauche et rate les qualifications pour les JO 2021.

Autant de « moments difficiles » mentionnés par Beatriz Haddad Maia en conférence post-victoire contre Ons Jabeur, mercredi. « J’ai eu 4 opérations. J’ai eu des fractures au niveau de l’épaule, du dos. J’ai dû m’arrêter 6 ou 7 fois et à chaque fois 4 mois. » Seul un épisode, réduit à une phrase à la fois expéditive et énigmatique (« j’ai aussi dû arrêter de jouer pendant un an »), est éludé : sa suspension de dix mois pour un contrôle antidopage positif en 2019. Un résultat qu’elle a toujours contesté, jurant n’avoir « jamais cherché à obtenir un avantage indu » et « toujours respecté le fair-play ».

Dopage involontaire, mode d’emploi

Ses avocats avaient à l’époque réussi à prouver qu’il s’agissait de dopage involontaire par contamination croisée. Autrement dit d’une erreur dans le processus de fabrication de la part de la pharmacie qui lui fournissait des compléments alimentaires, expliquant la présence de deux anabolisants différents là où ils n’auraient jamais dû être. « Cela peut se produire accidentellement même dans un milieu très encadré » complète Gérard Dine, médecin spécialisé sur les questions liées au dopage. Si l’athlète réussit à prouver sa bonne foi, la remise de sanction est alors envisagée - c’est le cas de Bia, qui risquait quatre ans de suspension. Sans pour autant que cela suffise à être blanchi totalement.

Car les instances n’accordent plus leur grâce aussi facilement que par le passé dans des cas similaires. Désormais, les athlètes déclarés positifs à cause de substances interdites dans des compléments alimentaires sont considérés comme entièrement responsables, comme l’expliquait d’ailleurs à Placar Bichara Neto, avocate de Bia Haddad.

« Au fil du temps, les cas de contamination croisée ont considérablement augmenté, au point que l’ITF a publié des avertissements destinés aux athlètes d’Amérique du Sud. Ils ne peuvent donc pas prétendre ignorer [les risques] étant donné que l’AMA les met en garde contre cela. Vous ne pouvez donc pas prétendre ne pas savoir que vous risquez la contamination. »

Pourquoi l’AMA alerte-t-elle spécifiquement les athlètes sud-américains au sujet de leurs compléments alimentaires ? Ces dernières années, rien qu’au Brésil, plusieurs joueurs, dont Thomaz Bellucci, ont essuyé des suspensions similaires dans des cas comparables. Selon Gérard Dine, « il s’agit de pays où l’on trafique les compléments alimentaires avant de les vendre sur Internet, avec des filières qui ressemblent à celles des narcotrafiquants. » Et où le marché des compléments alimentaires est donc beaucoup moins sûr vis-à-vis de la réglementation antidopage. « Mais on pourrait citer d’autres zones du globe, précise le médecin. L’Afrique, l’Asie du Sud-Est, et quelques pays d’Europe de l’Est comme la Bulgarie ou la Roumanie sont aussi des zones à risque. »

Le tennis pas assez sensibilisé sur les compléments alimentaires ?

La Roumanie est justement le théâtre du cas le plus récent et médiatisé de supposé dopage involontaire par contamination, celui de Simona Halep. L’ancienne numéro 1 mondiale et vainqueure de Roland-Garros, est suspendue depuis octobre dernier après avoir été contrôlée positive au roxadustat, une substance interdite qu’elle dément elle aussi avoir « consommé en conscience ».

A supposer que l’innocence de la Roumaine soit avérée, la rigueur de l’entourage des joueuses et joueurs de tennis vis-à-vis des compléments, même au plus haut niveau, est à questionner selon Gérard Dine : « Le tennis est en retard. Dans les équipes professionnelles de sports collectifs, par exemple, c’est hyper protocolisé. Vous avez souvent un responsable des compléments alimentaires qui contrôle leur origine. Des staffs passent même des contrats avec des fabricants, les obligeant à résultats, avec la possibilité de mesures juridiques et financières en cas de contrôle positif. Dans le tennis, des formations spécifiques ont récemment été mises en place pour les préparateurs physiques et les kinés, afin d’attirer l’attention sur l’environnement des compléments alimentaires, le fait qu’ils constituent une porte d’entrée pour le dopage involontaire et une prise de risque en cas de non-vérification de leur provenance. »

Beatriz Haddad Maia a été arrêtée dix mois à cause d’une erreur. Et même plus, si on compte la pandémie qui l’a cueillie dans la foulée. Ce qui l’a forcé à reprendre par des tournois mineurs. « C’est difficile d’améliorer son niveau quand on revient et quand on joue en tournois Futures ou Challengers, le niveau est différent. » Sans parler du déficit d’image engendré par pareille mésaventure. « J’ai reçu beaucoup de critiques, témoignait-elle à UOL Esporte. Les gens n’étaient plus à mes côtés. » Quatre ans plus tard, ils sont revenus pour la voir succéder à Gustavo Kuerten. Et oublier, une bonne fois pour toutes, les mésaventures passées.

Source: 20 Minutes