Moitié " Joker ", moitié ange, Christine and the Queens livre un show déroutant mais ô combien puissant

June 08, 2023
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Sur scène, d’un geste puissant, le visage rageux, Christine and The Queens arrache, à l’issue du premier titre, sa longue jupe blanche recouvrant jusque-là son pantalon. Comme un symbole. Une manière de clore un chapitre. L’artiste, qui se genre désormais au masculin, était en concert mardi soir à Lyon, dans le cadre des Nuits de Fourvière. Une venue particulièrement scrutée, qu’autant qu’elle s’inscrit à la veille de la sortie de son prochain album Paranoïa, Angels, True Love, prévue ce vendredi 9 juin.

Après l’échec de son dernier opus, passé quasiment inaperçu, le chanteur nous avait laissés sur notre faim. Devait-on espérer qu’il revienne à l’essence même de son succès ? En quelques minutes, Christine and the Queens montre qu’il a pris un autre chemin, comme s’il voulait laisser derrière lui tout ce qui renvoie au passé. La set-list donne le ton. A l’exception de Saint-Claude, aucune chanson de ses deux premiers albums ne figure au répertoire.

Danses rageuses et viriles

Oubliées la légèreté et les éclats de rire communicatifs. La mine est sombre, déchirée par des grimaces transpirant la souffrance ou la frénésie. Finies les « private joke » ou les boutades lancées au public. Terminées les interactions directes avec le premier rang ou le fond des gradins. Cette fois, la communion opère par la poésie. Littéralement habité, enfermé dans un monde tantôt ténébreux, tantôt spirituel, l’artiste déclame désormais en guise de respirations de longues tirades à ses fans. Au point de dérouter parfois une partie du public. « Ça ne va pas mieux », plaisante un spectateur, un brin décontenancé par la dernière salve, néanmoins « hypnotisé » par le show.

Muscles tendus, cheveux longs plaqués en arrière, le chanteur se livre à des danses rageuses, viriles. Déambule parfois comme une marionnette désarticulée, terrasse des ennemis invisibles, se contorsionne avec l’énergie du désespoir ou câline l’immense ange rouge qui trône sur scène. La voix se fait plus puissante que jamais, comme des cris de détresse adressés à l’au-delà ou des messages d’amour douloureux. Chaque geste particulièrement théâtral fait écho aux roulements de la batterie, aux riffs rock des guitares dans un rythme quasi schizophrénique. Mais de façon magistrale.

« J’ai trouvé qu’il y avait un côté "Joker" [personnage interprété par Joaquin Phoenix sur grand écran en 2019] dans son attitude », analyse à chaud Mikely, 26 ans, qui découvrait l’artiste pour la première fois sur scène. « Dans son attitude, dans ses mouvements, dans les expressions de son visage, parfois très dures, et même dans sa coiffure, il y avait cette ressemblance. Comme s’il se passait les mêmes choses dans sa tête, comme si ce n’était pas lui, comme s’il basculait à la limite de la folie », poursuit-elle, soulignant « une performance incroyable ».

« Il a réussi à m’enfermer dans son univers »

« Même si j’attendais des chansons connues, et qu’il n’y en avait pas beaucoup, il a su me transporter dans son monde », réagit à son tour Benjamin. « C’était un beau voyage, abonde Quentin. La scénographie m’a envoûté. Je ne sais pas s’il a pris des trucs mais il sait incarner des personnes propres à lui-même. J’avais l’impression qu’il luttait avec un double. »

« C’était assez dark mais il a réussi à m’enfermer dans son univers », reprend le premier, saluant au passage la prestation des musiciens « impressionnants ». « C’était super », répète trois fois Muriel. « Je suis toute chamboulée parce que je suis fan et que j’attendais de leur revoir depuis son dernier concert », appuie sa fille Meryl pour laquelle Christine and the Queens est « aujourd’hui le seul artiste français qui ait du talent ».

« Grand amateur » de concerts, Olivier n’avait qu’une envie : découvrir le phénomène sur scène. « Cela faisait longtemps que je voulais le voir. Alors, il ne fallait pas que je le loupe… Et ça aurait vraiment dommage », explique-t-il, conquis lui aussi. « Sa danse, sa voix phénoménale, le show, c’était le gros kiffe », résume-t-il, encore sonné.

« C’est très différent de ce qu’il faisait avant, par contre, c’est très plaisant à voir », sourit Emmy. Postée tout devant, au pied de la scène, la jeune femme a pu savourer chaque moment. « Je voyais qu’il se donnait à fond. J’ai adoré, y compris ces poèmes contemporains ». Même discours dans la bouche de Nelly, une fidèle depuis la première heure. « On ne peut pas comparer avec les spectacles d’avant. C’est impossible. A chaque nouvelle ère, il propose quelque chose de différent, argumente-t-elle. Certains pensent que c’est assez sombre mais quand on écoute les chansons, je trouve qu’il y a plutôt beaucoup de lumière. Il faut juste savoir la trouver. » Une chose est sûre, Christine and The Queens a su renouer avec son public, littéralement aux anges.

Source: 20 Minutes