Retraites : le groupe LIOT retire sa proposition de loi visant l’abrogation de la réforme
Bertrand Pancher, le président du groupe LIOT, le 8 juin à l’Assemblée nationale, à Paris. JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »
Le groupe des députés Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT) a annoncé, jeudi 8 juin, retirer son texte d’abrogation de la retraite à 64 ans discuté à l’Assemblée nationale, qui avait été vidé de sa mesure phare.
« Il ne reste plus rien dans le texte, sauf évidemment les amendements de la minorité présidentielle. En responsabilité, nous avons décidé de retirer notre texte », a justifié devant la presse le patron du groupe, Bertrand Pancher, après plus de deux heures d’échanges éruptifs.
Privées de vote, les oppositions ont fait entendre leur colère jeudi face au camp présidentiel, accusé d’« écrabouiller la démocratie parlementaire », au coup d’envoi d’une séance électrique à l’Assemblée. « De cet abaissement du Parlement ne peut ressortir que désintérêt pour nos institutions, et dans le pire des cas, colère et violence », a averti Charles de Courson (LIOT) à la tribune.
En retour, le ministre du travail, Olivier Dussopt, a pointé une proposition « presque nihiliste » et « vide ». « Vous ne proposez rien d’autre que vous défausser, car vous n’avez pas de projet alternatif commun », a-t-il lancé aux soutiens du texte, de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) au Rassemblement national (RN) en passant par certains Républicains (LR).
« Vous avez peur du peuple »
Dans un hémicycle agité, la séance a démarré par une série de rappels au règlement, ciblant la décision mercredi de la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, de bloquer l’examen de la mesure d’abrogation, jugée inconstitutionnelle car elle crée une charge pour les finances publiques. « Vous abîmez, vous écrabouillez la démocratie parlementaire », a tonné le patron des députés communistes, André Chassaigne. Le président de la commission des Finances, Eric Coquerel, a épinglé « des décisions politiques et partisanes, sur ordre de l’exécutif ».
Mais, a rétorqué Eric Woerth dans le camp présidentiel, « le chahut constitutionnel voulu par LIOT et LFI, c’est ça la véritable atteinte à la démocratie ». La patronne du groupe RN, Marine Le Pen, est, elle aussi, montée en défense du texte : « Vous avez peur du peuple », et « votre réforme des retraites est illégitime », a-t-elle accusé. « Nous sommes confrontés aujourd’hui à une rupture démocratique majeure, et vous en êtes la responsable », a aussi pointé Mme Le Pen à l’adresse de Mme Braun-Pivet.
Depuis le perchoir, l’intéressée, issue des rangs macronistes, s’est justifiée à plusieurs reprises : « la Constitution, rien que la Constitution, c’est mon rôle ». La mesure pour un retour à l’âge légal de départ à 62 ans avait d’abord été torpillée en commission lors d’un vote serré, puis réintroduite via des amendements. La gauche et LIOT avaient bon espoir de renverser la vapeur dans l’Hémicycle. Mais « à la colère, à l’inquiétude, à l’incompréhension que nous, députés, avons tenté ici de relayer, vous avez répondu par le passage en force », a encore accusé Bertrand Pancher, en brandissant une Constitution.
L’attaque au couteau dans laquelle plusieurs enfants ont été grièvement blessés a provoqué par ailleurs une vive émotion à l’Assemblée nationale, où une minute de silence a été observée à la demande de la présidente Yaël Braun-Pivet « pour [les victimes], pour leurs familles », après cette « attaque gravissime ».
Faibles chances d’aboutir
Faute de pouvoir voter sur une abrogation, « on va prendre à témoin l’opinion publique », avait promis Bertrand Pancher mercredi. Les socialistes souhaitent qu’il y ait au minimum un vote sur le seul amendement en lien avec les 64 ans ayant passé le filtre constitutionnel, même s’il ne fait que demander un rapport. « Les députés qui voteront pour cet amendement exprimeront leur rejet de la réforme », estiment-ils.
La cheffe de file des « insoumis », Mathilde Panot, a annoncé son souhait de déposer une motion de censure contre le gouvernement, qui doit encore être débattue au sein de la Nupes. « Nous entrons dans une zone de non-droit », s’est inquiété le communiste Fabien Roussel, appelant sur RTL les députés LR à s’y joindre « pour préserver notre droit de vote à l’Assemblée ».
Même adoptée par l’Assemblée, la proposition d’abrogation n’aurait eu que de faibles chances d’aboutir au plan législatif, n’ont eu de cesse de faire valoir les macronistes. Tout en s’inquiétant du signal politique qu’aurait envoyé une victoire des oppositions.
Avec la fin de cette séquence parlementaire, deux jours après une 14e journée de mobilisation sociale marquée par la participation la plus faible enregistrée en cinq mois de manifestations, l’exécutif espère pouvoir tourner la page des retraites.
Le Monde avec AFP
Source: Le Monde