En Catalogne, à Ripoll, l’extrême droite prospère sur les plaies des attentats de 2017

June 08, 2023
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La tête de liste du parti d’extrême droite Aliança catalana à Ripoll, Silvia Orriols, le 4 juin 2023. CAPTURE ÉCRAN TWITTER SILVIA ORRIOLS

Sur le terreau des attentats, la haine a finalement grandi. Pourtant, le 26 août 2017, plus de 2 000 personnes s’étaient rassemblées sur la place de la mairie de Ripoll, petite ville de 10 000 habitants située au pied des Pyrénées, sous le slogan « Pour la paix. Un pas avant ». Une trentaine d’associations, soutenues par la mairie, des élus locaux et régionaux, des artistes et des représentants de la communauté musulmane locale avaient voulu donner l’exemple.

Démontrer qu’après les attentats de Barcelone et de Cambrils survenus neuf jours plus tôt, le 17 août, faisant 16 morts et 140 blessés, la tolérance devait l’emporter. Que le vivre-ensemble pouvait être renforcé dans cette ville où résidaient huit des djihadistes responsables des attaques, dont Abdelbaki Es Satty, l’imam marocain à l’origine de la radicalisation des assaillants, tué le 16 août dans l’explosion accidentelle de la planque de la cellule terroriste, et Younes Abouyaaqoub, le conducteur de la camionnette qui faucha le lendemain des promeneurs sur les célèbres Ramblas.

Sur une estrade, devant la foule, la sœur de deux des terroristes, Hafida Oukabir, avait pris la parole pour dire sa douleur et demander de travailler pour améliorer l’intégration des jeunes, avant de fondre en larmes en clamant « non au terrorisme, non à la violence, oui à la paix ». « No tinc por » (« nous n’avons pas peur »), avait alors scandé la foule, en l’applaudissant à tout rompre.

Discours anti-immigration

Six ans plus tard, Aliança catalana, un nouveau parti d’extrême droite qui a mobilisé l’électorat sur un discours anti-immigration attaquant directement la communauté musulmane et exigeant la fermeture de la mosquée de Ripoll, a remporté les municipales du 28 mai avec 30,8 % des voix. Son slogan de campagne : « Sauvons Ripoll ». La tête de liste, Silvia Orriols, employée administrative catholique de 38 ans et mère de cinq enfants, a raflé 6 des 17 sièges au conseil municipal et devrait gouverner en minorité, les autres partis ne semblant pas en mesure de s’entendre pour lui faire barrage.

Depuis quatre ans, cette indépendantiste radicale catalane, seule élue en 2019 du Front national catalan (FNC), un parti d’extrême droite identitaire, a déversé son venin à chaque assemblée municipale, parlant de « l’invasion des migrants » et de « l’islamisation de la Catalogne », prônant de supprimer les aides sociales aux étrangers, qui représentent 13 % des habitants.

« Les gens ont mis en valeur ma sincérité face aux ­problèmes réels dont ils souffrent. Ici, il n’y a jamais eu de coexistence entre communautés : les musulmans forment une communauté parallèle et la méfiance a grandi quand elle nous a attaqués frontalement. Comme ailleurs en Europe, les gens ont peur », dit-elle à M Le magazine du Monde par téléphone.

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Source: Le Monde