Pourquoi cet engouement pour les téléphériques urbains ?

June 09, 2023
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Silence et vue imprenable sur la Garonne, sur les Pyrénées même, pour peu que l’horizon soit dégagé. Depuis un an, plusieurs milliers de Toulousains vont au boulot par la voie des airs et dans une « zénitude » retrouvée. Ils sautent dans les cabines de Téléo, le téléphérique où l’on peut monter avec son vélo, en survolant une colline, un bras du fleuve et, surtout, les bouchons de la rocade. Le temps est loin où cette suggestion d’une ligne de transport en commun aérienne, émise pour la première fois en 2006 par Philippe Douste-Blazy, éphémère maire de la Ville rose, était moquée comme un « gadget ». Toulouse s’enorgueillit désormais de posséder – avec ses 3 kilomètres de ligne desservant à la fois l’université des sciences, le CHU de Toulouse, et l’Oncopôle – « le plus long téléphérique urbain de France ». Et sans doute le plus couru aussi, car les élus des autres métropoles se bousculent au portillon d’embarquement.

En un an, Jean-Michel Lattes, le président de Tisséo, l’autorité organisatrice des transports, a montré sa cabine « à une cinquantaine de délégations ». « La métropole d’Aix-Marseille, de Lyon, de Bordeaux, des élus du Pays basque », énumère-t-il, entre autres. « J’ai l’impression qu’ils ont été tout à fait séduits et surtout frappés par le silence parce qu’ils avaient en tête le cliché du bruit des câbles dans les stations de ski ». Il est heureux aussi, et même « surpris », de leur annoncer que le capricieux vent d’Autan a été dompté et que Téléo a passé sa première année sans s’arrêter pour cause de rafales trop fortes.

Des technologies mieux rodées

Mais Toulouse n’est pas la première à se lancer dans le « transport aérien » des masses laborieuses. Et se félicite d’ailleurs très diplomatiquement d’avoir « pu bénéficier de l’expérience de Brest » et donc choisi un système « trois câbles » (un tracteur, deux porteurs) « plus fiable et plus stable ». En tant que pionnière, la ville bretonne a « essuyé les plâtres », reconnaît Yohann Nédelec, vice-président de la métropole. Son téléphérique de 420 mètres qui enjambe lui aussi un fleuve – la Penfeld – a été mis en service en 2016. Mais il a multiplié les pannes et les arrêts techniques jusqu’en 2019. « Il y a eu des moqueries quand l’idée est sortie mais aujourd’hui il est complètement intégré à la ville. Si c’était à refaire, on le referait », assure l’élu.

Le téléphérique brestois transporte en moyenne 2.500 à 3.000 voyageurs par jour. Celui de Saint-Denis, à La Réunion, inauguré en mars 2022, en a embarqué près d’1,5 en un an. Téléo en affiche 1,6 million, soit 6.000 par jour en moyenne, contre les 8.000 espérés. Ce n’est pas le débit d’un métro, pas même d’une ligne moyenne de bus, mais c’est sans doute quelques milliers de trajets en voitures épargnés.

L’argument écolo

Car c’est l’atout choc du téléphérique. Il est électrique, donc à ranger dans la catégorie désormais reine des « mobilités douces ». « Téléo consomme juste un tiers de la production électrique de la ferme photovoltaïque de l’Oncopôle », se félicite Jean-Michel Lattes. Par ailleurs, la construction de l’infrastructure, avec ses cinq pylônes géants, n’a pas suscité de levée de boucliers ou de gêne insurmontable. Les Toulousains peuvent en témoigner rétrospectivement à l’heure où les travaux de leur troisième ligne de métro, bien plus perturbants, démarrent.

Malgré tout l’argument écologique et de « l’insertion dans le tissu urbain » n’a pas fait mouche à Lyon. Au contraire. Après des mois de concertation et face à l’hostilité des habitants, la métropole a dû abandonner en mai dernier son idée de transport par câble dans l’ouest de l’agglomération.

De nombreuses lignes en projets

Pas de quoi refroidir Bordeaux Métropole qui doit livrer à la fin du mois le bilan de la concertation sur son projet de « télécabines » dont la mise en service est envisagée à l’horizon 2028. Plusieurs tracés sont à l’étude mais là aussi il s’agit de franchir la Garonne, entre le quartier Achard et le secteur de Lormont-Cenon sur la rive droite.

En région parisienne, les travaux du « Câble C1 » ont commencé. Ce téléphérique, le premier de l’Île-de-France, doit relier Créteil à Villeneuve-Saint-Georges via Limeil-Brévannes et Valenton. D’une longueur de 4,5 kilomètres, il battra largement en 2025 le record toulousain. Enfin le sud-est n’est pas en reste. Portée par la métropole Aix-Marseille-Provence, une liaison par câble d’un kilomètre environ, en surplomb des embouteillages, est annoncée pour 2027 entre la gare de Vitrolles et l’Aéroport Marseille Provence. Le calendrier du projet reliant Nice à Saint-Laurent-du-Var a été « étalé » mais les rotations pourraient commencer fin 2028.

Ces métropoles pourront à leur tour tester « l’effet de curiosité » qui a tant étonné les élus toulousains. Sur la première année, la moitié des voyageurs sont des abonnés. Les autres sont des « occasionnels » et notamment des « touristes », locaux ou pas, venus se payer une bonne tranche de panorama. Même constat à Brest où les pics de fréquentation sont surtout estivaux. « On ne s’attendait pas à ce que ça devienne aussi une attraction touristique. Le week-end et quand il fait beau, nous voyons clairement des familles qui viennent pour profiter de la vue, souligne Yohann Nédelec. Tant mieux, les deux quartiers en tirent bénéfices ».

Source: 20 Minutes