" Abysses " : " La clé de notre survie dépend de notre capacité à renouer avec la nature ", estime Cécile de France
Cécile de France est à l’affiche de la série événement de France 2 Abysses. L’actrice belge incarne la scientifique Cécile Roche confrontée à une pandémie meurtrière sans précédent. Au festival Séries Mania, où la minisérie était présentée hors compétition, Cécile de France, très engagée pour l’environnement, a expliqué à 20 Minutes, pourquoi elle a eu envie de prendre part à ce brillant thriller d’anticipation, qui plonge le spectateur dans les mystères des profondeurs océaniques et alerte sur l’urgence climatique.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de jouer dans « Abysses » ?
Plein de choses ! Je trouvais vraiment excitant de participer à un thriller qui nous plonge littéralement dans le grand mystère des profondeurs des océans. Ce domaine me passionne réellement, je regarde beaucoup de documentaires sur les nouvelles espèces que l’on découvre chaque année dans les fonds marins. J’ai beaucoup aimé l’intelligence de la série qui nous questionne notre humilité et notre peur ancestrale face à l’inconnu et aux mystères de la nature, mais aussi notre aptitude à nous émerveiller face à la beauté de la nature. La clé de notre survie dépend peut-être de notre capacité à renouer le lien qu’on a brisé avec elle. J’ai trouvé excitant d’incarner une scientifique. Ils ne sauveront peut-être pas la planète, mais ils nous apportent des solutions pour le faire. Visuellement, j’ai adoré le moodboard. Et puis, je n’avais jamais fait de science-fiction, cela ravissait l’ancienne petite fille en moi !
Parlez-nous de votre personnage ?
Cécile Roche est une chercheuse en biologie moléculaire dans un hôpital du sud de la France. Elle a une vie familiale compliquée : elle a deux enfants et elle vit séparée d’un père peu présent. On comprend que ce n’est pas simple, et au même moment, apparaît une mystérieuse bactérie mutante qui est en train d’infecter les côtes françaises. Elle va mener l’enquête pour élucider ce mystère avec une collègue médecin. Elles vont se comprendre que le monde est à l’aube d’une pandémie meurtrière sans précédent. Ce qui m’a intéressé, c’est que c’est un personnage tiraillé entre sa vie de famille et la science, entre la vie de ceux qu’elle aime et celles de milliards de personnes.
Est-ce compliqué de participer à une grosse coproduction internationale comme « Abysses » ?
Ce qui a été compliqué, c’est de tourner pendant la pandémie de Covid. Des cas se sont déclarés durant le tournage et on a vécu un peu isolé dans nos chambres d’hôtel. Un vrai casse-tête pour les réalisateurs, les assistants et la production ! Mis à part cela, j’ai eu l’impression d’être sur un gros bateau avec une équipe qui fait super bien son boulot, il suffisait de suivre le mouvement !
Il y a eu comme une sorte de collusion entre la vie et la fiction…
Effectivement ! On était imprégné de cette réalité. Mais très vite, quand on tournait les scènes liées au surnaturel, on avait aussi la chance de quitter cette triste réalité. Dans cette pandémie, ce sont les scientifiques qui, encore une fois, ont apporté les solutions. En ce qui concerne le réchauffement climatique aussi, ce sont eux qui apportent les solutions technologiques, les innovations et la manière de rentrer en action concrète. Jouer une scientifique était galvanisant. Pour moi, ce sont les héros des temps modernes. On avait aussi conscience qu’on était en train de réaliser un thriller, il n’y avait pas que le côté triste des morts liées à la pandémie. Il y avait enfin le plaisir de travailler entre artistes, c’est un projet qui fait réfléchir, mais surtout un projet artistique.
Et tourner en anglais avec un casting international ?
Toutes les scènes dans lesquelles les scientifiques sont ensemble sont en anglais, et on parle beaucoup, avec un vocabulaire très scientifique, donc il a fallu beaucoup préparer. On avait la chance de pouvoir avoir un coach si on le voulait. Je l’appelais parfois au milieu de la nuit pour m’aider, ce n’est pas toujours facile d’avoir la bonne prononciation. Je trouvais cela intéressant qu’il y ait pour chaque personnage à un moment donné des scènes dans leur langue maternelle, pour avoir le plaisir d’entendre ces langues. Il y a par exemple une scène en néerlandais, des scènes en allemand, etc. C’est original. Je recommande vivement de regarder la série en version originale. Et sur le plateau, pour travailler ensemble, l’anglais était le langage commun.
Jouer dans une série comme « Abysses » à la fois divertissante et avec un sous-texte politique fort est un de vos critères de choix en tant qu’actrice…
Bien sûr ! Mais je suis aussi pour des films ou des séries de pur divertissement, on en a besoin aussi ! Mais c’est vrai que lorsqu’on me propose un projet intelligent, avec du sens, qui peut avoir une résonance, là en l’occurrence, sur notre planète, je pense qu’il faut la saisir cette chance parce qu’il y a des gens qui se mobilisent, qui réfléchissent… Donc, en tant qu’actrice, amener juste sa petite brique à l’édifice, ce n’est pas rien ! Cela me rend active dans ma démarche artistique.
N’avez-vous pas peur que le côté catastrophe de la série soit contreproductif ?
Pas du tout ! Quand on voit la série jusqu’au bout, on se rend compte qu’il s’agit d’une série qui donne de l’espoir, réveille notre capacité à nous émerveiller, et met en valeur les bons côtés de l’être humain. L’être humain n’est pas qu’un monstre, même si au début de la série, il est présenté comme tel parce qu’il est l’élément déclencheur.
Vous avez signé en 2018 l’appel de Juliette Binoche et de l’astrophysicien Aurélien Barrau pour une action politique « ferme et immédiate » face au changement climatique, vous vous considérez comme une artiste engagée ?
C’est difficile de me positionner. Je veux vraiment rester à ma place d’artiste. Je ne suis pas un personnage public qui milite. Il y a des gens qui sont dans l’action concrète et font des choses extraordinaires pour la sauvegarde de la planète. Je sais aussi que fiction a un pouvoir émotionnel très fort. Faire la morale, culpabiliser l’être humain, c’est la pire des choses à faire ! Je vais être plus attirée par des projets qui font réfléchir et avancer les mentalités : ici, sur la crise environnementale ou encore sur le patriarcat. Abysses met en avant l’imaginaire, c’est aussi la force de l’être humain d’avoir cette capacité d’inventer des histoires. Cela rejoint notre capacité à nous émerveiller devant la nature. Je crois beaucoup en la force émotionnelle de l’être humain, à sa prédisposition à avoir de l’empathie et à coopérer. Je pense que c’est peut-être comme cela qu’on pourra sauver notre planète.
Vous pensez qu’on peut encore sauver la planète ?
Ce n’est pas à moi de dire cela. Je ne suis ni devine, ni scientifique. C’est aux scientifiques de répondre à cette question. Mais, on peut intervenir pour que les gouvernements entrent vraiment en action, qu’ils arrêtent de repousser des décisions difficiles puisque généralement les intérêts nationaux et ceux des lobbies font que les prises de décisions sont toujours reculées. L’opinion publique doit intervenir dans cette action. C’est notre planète à tous !
Ce personnage vous a-t-il appris ou fait prendre conscience de quelque chose en matière d’écologie ?
Cela m’a permis de mieux appréhender les dommages que l’on fait subir aux océans. Tout d’abord, la surpêche, puisqu’on considère que les océans sont une zone de non-droit. Il faut vraiment aller vers une pêche durable en écoutant encore une fois les alertes des scientifiques. Puis, il y a le réchauffement climatique qui provoque la montée des eaux, la mort massive des coraux, la fonte massive des banquises, du pergélisol, des calottes glaciaires. Et enfin, la pollution, on considère réellement les océans comme des décharges à ciel ouvert en y déversant les eaux usées, le pétrole, le plastique, les engrais et la pollution sonore également. Je me suis un peu renseignée là-dessus.
Est-ce que cela vous a fait changer vos habitudes ou vos gestes pour la planète ?
Évidemment ! L’idée, c’est de réduire au maximum. Il faut avoir conscience, en tant que consommateur de ce qu’on achète et en tant que citoyen, avoir conscience des répercussions de chaque geste du quotidien sur la planète. Savoir comment a été pêché le poisson qu’on mange, se renseigner un petit peu… La liste est longue et j’invite chacun à ouvrir son esprit et avoir plus conscience.
Vous êtes belge, vous avez vécu en France, vous tournez dans des séries internationales, vous vous sentez citoyenne du monde ?
Tout à fait ! Je me sens riche de ma culture belge, parce que c’est mon cœur. C’est en France et à Paris notamment que j’ai les plus beaux rôles et projets, et vivre de ma passion, c’est merveilleux. Sur un projet comme Abysses, je me sens universelle aussi, et même au-delà, comme une partie du grand tout, du cosmos. Cela part du cœur jusqu’à l’univers.
En parlant de beaux rôles, vous avez récemment retrouvé le personnage d’Isabelle dans « Salade grecque », comment se sont passées ces retrouvailles ?
Je n’ai fait qu’une participation. Salade Grecque n’est pas l’histoire des personnages qui vieillissent, mais celle - et c’est beaucoup plus intelligent - de leurs enfants. C’est toujours un bonheur de réendosser le rôle d’Isabelle que j’adore. J’ai surtout été subjuguée par tous ces jeunes acteurs, cette nouvelle génération qui a une force de jeu extraordinaire. C’était agréable pour moi d’être un peu la tata bienveillante, qui est un peu comme un satellite autour de ces nouveaux héros.
On ne vous a jamais vue dans une série belge…
Oui, parce qu’on ne m’a pas encore proposé ! La fiction flamande et wallonne est assez séparée. Il y a un vivier extraordinaire d’acteurs flamands. Les talents wallons sont aussi exceptionnels. Mais comme il y a la barrière de la langue, on ne se mélange pas tant que cela. En tant que francophone, on va plus aller vers la France, c’est ce qui s’est passé pour moi. Évidemment, jouer dans une série belge m’intéresserait !
Source: 20 Minutes