Affaire Benalla : cinq ans après les " violences du 1ᵉʳ-Mai ", Alexandre Benalla rejugé en appel

June 09, 2023
470 views

Alexandre Benalla, au tribunal de Paris, le 9 juin. CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Au cœur d’un scandale politique à rebondissements, l’ex-chargé de mission de l’Elysée Alexandre Benalla est rejugé en appel à partir de vendredi 9 juin pour des violences commises lors du 1er-Mai 2018, qui lui avaient valu un an de prison ferme en première instance.

Vêtu d’un costume gris, courte barbe et lunettes carrées, l’homme de 31 ans, aujourd’hui reconverti dans le privé, a pris place sur le banc des prévenus peu après dix heures et déclaré au président de la cour qu’il accepterait de s’exprimer lors du procès, tout comme son coprévenu, Vincent Crase.

L’avocat de ce dernier, Robin Binsard, doit déposer une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) en début d’audience, portant sur le délit d’« immixtion dans une fonction publique » reproché aux deux hommes.

Alexandre Benalla est accusé d’avoir molesté trois hommes et deux femmes en cherchant à les interpeller en marge de la manifestation du 1er-Mai 2018 à Paris. Il était alors coiffé d’un casque de la police, alors qu’il n’assistait au défilé qu’en tant qu’« observateur ».

L’affaire Benalla avait éclaté le 18 juillet de la même année, après son identification par Le Monde dans une vidéo où il brutalisait un couple, place de la Contrescarpe. L’homme, qui travaillait au centre du dispositif de sécurité du président de la République avait été suspendu quinze jours, mais jouissait toujours d’un bureau au « Château ».

Cette révélation avait déclenché un séisme politique dont les répliques avaient secoué pendant des mois le pouvoir d’Emmanuel Macron, au rythme des révélations de la presse et des auditions au Parlement.

Alexandre Benalla, aujourd’hui âgé de 31 ans, devra également répondre à nouveau devant la cour d’appel de « faux, usage de faux en écriture et usage public sans droit d’un insigne » pour avoir continué à voyager avec des passeports diplomatiques après son licenciement de l’Elysée, et qu’il aurait utilisés pour des voyages d’affaires en Afrique et en Israël dans le cadre de ses nouvelles activités de conseil.

L’ancien proche collaborateur du président se voit enfin reprocher d’avoir porté illégalement une arme de poing au cours de l’année 2017.

Ce procès en appel devait initialement se tenir à la fin de janvier, mais l’audience avait été renvoyée en raison de « difficultés personnelles et de santé » de M. Benalla.

Trois ans de prison en première instance

En première instance, il avait été condamné à une peine de trois ans de prison, dont un ferme sous bracelet électronique, assortie d’une interdiction d’occuper un emploi public pendant cinq ans et d’une interdiction de port d’arme pendant dix ans.

A l’audience, il avait nié la quasi-totalité des faits qui lui étaient reprochés, affirmant avoir agi « par réflexe » citoyen, mais n’hésitant pas « à donner des explications absurdes et irresponsables », selon le jugement du tribunal correctionnel de Paris.

Son acolyte, Vincent Crase, autre personnage-clé de l’affaire, à l’époque chargé de la sécurité au parti En marche ! (aujourd’hui Renaissance), figurera lui aussi à nouveau sur le banc des prévenus pour « violences en réunion », « port prohibé » d’une matraque télescopique et « immixtion dans une fonction publique », pour avoir participé de façon illégale à l’interpellation de trois personnes.

Il lui est aussi reproché d’avoir obligé l’une de ces personnes à effacer une vidéo prise avec son téléphone portable.

Ami de longue date d’Alexandre Benalla, l’ex-gendarme réserviste de 50 ans, aujourd’hui sans emploi, avait été condamné en première instance à deux ans de prison avec sursis et à une interdiction de port d’arme.

« Il n’a jamais voulu (…) violenter quiconque mais, au contraire, défendre les forces de l’ordre et faire cesser la commission d’infractions par des manifestants particulièrement agressifs », a justifié son avocat, Robin Binsard, qui sollicitera sa relaxe.

Les deux policiers condamnés en première instance pour avoir transmis des images de vidéosurveillance à Alexandre Benalla le soir de la publication de l’article du Monde n’ont, eux, pas fait appel.

Trois autres enquêtes préliminaires ouvertes

En plus des cinq victimes présumées des violences en réunion, deux syndicats de police se sont constitués parties civiles, ainsi que l’ex-chef de cabinet de l’Elysée, François-Xavier Lauch, et l’auteur de la vidéo du 1er-Mai, l’ancien journaliste et militant Taha Bouhafs, dont la constitution de partie civile avait été jugée irrecevable en première instance.

Alexandra Benalla fait l’objet de trois autres enquêtes préliminaires.

La première porte sur son rôle dans la signature de contrats avec des oligarques russes alors qu’il était en poste à l’Elysée. L’un d’entre eux, conclu en juin 2018, prévoyait la protection d’Iskander Makhmudov, un homme sulfureux réputé proche de Vladimir Poutine et de la mafia moscovite. Il a été signé avec la société de Vincent Crase, mais plusieurs éléments révélés par Mediapart montrent qu’Alexandre Benalla s’est impliqué personnellement dans la négociation, alors qu’il travaillait encore à l’Elysée. Un autre contrat a été noué en décembre 2018 avec Farkhad Akhmedov par une société montée par un proche d’Alexandre Benalla, qui lui a reversé une partie des bénéfices par l’intermédiaire d’une société au Maroc.

Une autre enquête, ouverte en février 2019 pour « entrave à la manifestation de la vérité », vise à déterminer s’il a dissimulé des preuves dans le cadre de l’enquête sur les violences du 1er-Mai 2018, notamment deux coffres-forts.

La troisième, lancée en avril 2019, porte sur des soupçons de « faux témoignage » de MM. Benalla et Crase devant la commission d’enquête du Sénat sur l’affaire. Le procès doit durer jusqu’au 16 juin.

Le Monde avec AFP

Source: Le Monde