Un apéro avec Tinariwen : " Pour composer, on se sent plus libre dans le désert que dans un studio "
Le groupe de musiciens touaregs Tinariwen en résidence à Reims à la Cartonnerie, le 18 mai 2023. De gauche à droite : Elaga Ag Hamid, Hassan Ag Touhami, Abdallah Ag Alhousseyni, Sanou Ag Ahmed, Saïd Ag Ayad, Ibrahim Ag Alhabib, Cheick Ag Tiglia. FRED KIHN POUR « LE MONDE »
On devait initialement boire le thé sous une tente plantée dans le désert du sud de l’Algérie. On imaginait déjà les théières se vider et se remplir au gré des discussions autour du blues touareg avec les sept hommes bleus les plus célèbres du monde. Mais pour l’attaché de presse et le manageur du groupe malien Tinariwen, réunir les sept membres, originaires de contrées éparses plantées un peu partout dans le nord du Mali et de l’Algérie voisine, relève de l’exploit.
Le 18 mai, un apéro moins nomade nous a donc été offert au frais, entre deux répétitions, dans une des loges de la Cartonnerie de Reims, la salle de concerts où les musiciens touareg ont été accueillis en résidence. En ce jeudi ensoleillé, les bluesmen du désert ont laissé leur traditionnel boubou au placard. Pantalon, baskets et cigarette au bec, leurs mines sont fatiguées et ils tentent de défroisser leurs traits en enchaînant les thés.
Ils ont fini tard la veille, en enveloppant le studio 104 de France Inter des riffs serpentins de leurs guitares et de ce groove hypnotique qui a fait la renommée mondiale du groupe. Le lendemain sortait leur neuvième album, Amatssou, « Au-delà de la peur » en tamasheq, la langue des Touareg.
Leur tournée allait aussi démarrer : 36 dates à travers les Etats-Unis et l’Europe. Nomades mais avant tout attachés à leur terre, l’Azawad, situé dans le nord du Mali, les membres de Tinariwen aiment partir en vadrouille, mais préfèrent le sable du désert à l’asphalte des routes occidentales.
Raconter l’exil
« Comme pour quasiment tous nos albums, on est parti enregistrer le dernier dans le désert, mais cette fois loin de chez nous, à Djanet, dans le sud de l’Algérie. Ça nous permet de mieux raconter la vie et l’exil des Touareg. Pour composer, on se sent plus libre dans le désert que dans un studio », souligne Abdallah Ag Alhousseyni, d’une voix posée. Sur la table à côté du chanteur, compositeur et guitariste, le thé bout, mais il n’y prête guère attention.
Combien en ont-ils bu depuis ce matin ? Personne ne les compte plus, et les esprits sont ailleurs, concentrés sur la répétition de leurs nouvelles chansons, qui reprennent les thématiques chères à Tinariwen : les luttes et l’union des Touareg, la nostalgie, l’amour et le désert. Alors, infidèle aux principes de l’apéro, on est pour une fois resté à l’eau le temps d’écouter la passionnante histoire de ce groupe, né en exil et qui ne cesse de le conter depuis.
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Pour Tinariwen – « les déserts » en tamasheq –, l’aventure commence à la fin des années 1960. Ibrahim Ag Alhabib, leader charismatique du groupe et taiseux lorsqu’il n’est pas derrière sa guitare et son micro, fuit alors le nord du Mali pour l’Algérie après l’exécution de son père par l’armée malienne, lors de la première rébellion des Touareg contre l’Etat.
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Source: Le Monde