" Canua Island ", une plage flottante symbole du malaise grandissant de la Côte d’Azur face au tourisme des ultra-riches

June 10, 2023
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La plage flottante Canua Island amarrée à un bassin militaire du port de La Seyne-sur-Mer (Var), le 23 mai 2023. NICOLAS TUCAT / AFP

C’est un spectacle étrange dans le port de La Seyne-sur-Mer (Var) : une immense berge flottante, 1 750 mètres carrés manucurés posés sur un trimaran à moteur, avec piscine d’eau douce, restaurant-lounge et transats parfaitement alignés, entièrement vide parmi les cargos et les grues. Cette plage privée, baptisée Canua Island par ses concepteurs, attend l’autorisation de prendre la mer et de jeter l’ancre au large de Mandelieu-la-Napoule (Alpes-Maritimes). Tout est prêt depuis le mois de mai pour accueillir les clients, qui devaient être acheminés par navette vers l’île flottante, à 300 mètres du rivage.

Mais le projet à 16 millions d’euros reste pour l’instant au port, faute d’autorisations d’armement et de navigation. Une pétition de riverains opposés au projet a déjà rassemblé plus de 7 000 signatures. Le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Renaud Muselier (Renaissance), a déjà prévenu qu’il contesterait juridiquement toute autorisation livrée à ce qu’il considère être une « aberration écologique ».

L’élu ne cesse de pointer du doigt un projet « qui n’a absolument aucun sens », alors même que la Côte d’Azur se retrouve régulièrement au cœur de débats concernant ses jets privés et ses yachts, décriés pour leur impact environnemental. « C’est simple. Les temps changent. Ce qui était acceptable hier ne l’est plus forcément aujourd’hui », expliquent les équipes de l’élu.

« Centaine d’emplois créés »

A l’origine du projet, Marc Audineau, ex-champion de dériveur, et un autre sportif, Tony Philp, ex-champion de planche à voile, menaçaient, eux, de devoir « mettre fin aux contrats » de « la centaine d’emplois créée » si les dernières autorisations « ne sont pas délivrées à la fin de la semaine ». Ils assurent avoir embauché 80 professionnels de la restauration et 23 membres d’équipage.

« C’est un projet qui est parfaitement inacceptable dans le climat social et environnemental actuel, tranche le cabinet du président de région. Nous vivons un moment historique très particulier. Les gens ont vécu deux années de sécheresse terrible. On ne peut pas leur demander de se priver et de se restreindre pour qu’une île pareille, d’une manière assez provocatrice, s’installe en face de la plage, mais reste bien réservée à ceux qui peuvent se le permettre. »

Une opinion partagée par le secrétaire d’Etat chargé de la mer, Hervé Berville, qui, en visitant la rade de La Seyne-sur-Mer, le 1er juin, a simplement commenté « qu’il s’agi[ssai]t là d’un projet ni fait ni à faire ». Les deux entrepreneurs, eux, assurent que Canua Island « n’est pas un caprice de milliardaire ». Dans un communiqué rédigé par une entreprise de communication parisienne payée pour l’occasion, ils implorent l’Etat de les « laisser travailler ».

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Source: Le Monde