Gare au " retrosplash " : " Faire pipi debout, ça fait partie des privilèges que les mecs ne veulent pas abandonner "

June 10, 2023
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EnquêteLes incitations à uriner assis, pour les hommes, se multiplient. Injonction castratrice ? Saine remise en question des normes de genre ? Alors que certaines femmes revendiquent de leur côté de faire pipi debout, tout le monde semble d’accord sur une chose : le petit coin se politise.

« Essuie ou vazi, fais pipi assis·e. » L’ordre nous est donné par un raton laveur cartoonesque dessiné sur une affiche dans les toilettes du Drunken, bar à bières de Montreuil (Seine-Saint-Denis). En ce jeudi soir plutôt calme, la plupart des clients n’ont pas remarqué le poster. Mais, pour Margot (elle préfère ne pas donner son nom de famille), 28 ans, serveuse, le message a son importance. « C’est une question d’hygiène, de respect. Je n’ai pas du tout envie de m’asseoir sur les gouttes de pipi de quelqu’un d’autre, que ce soit chez moi ou là où je travaille. Les toilettes appartiennent à tous, et je suis en droit de me demander comment j’ai envie qu’on me traite dans cet espace partagé », insiste la brune à coupe garçonne, installée derrière le comptoir.

Si, en France, ce genre d’inscription peut surprendre, en Allemagne il n’est pas rare de croiser des écriteaux demandant aux hommes de poser leur séant sur la cuvette des toilettes des aéroports, des musées ou des restaurants. Là-bas, il existe même un mot pour désigner quelqu’un qui s’assoit pour soulager sa vessie : Sitzpinkler (« pisseur assis »). Une pratique qui n’a pas cours uniquement au pays de la Fête de la bière. Selon un sondage Panasonic mené en 2020 sur un échantillon réduit (155 répondants), 70 % des hommes japonais affirment uriner assis à leur domicile, contre 51 % cinq ans auparavant. La raison invoquée par ceux qui préfèrent poser leur popotin pour faire pipi est presque toujours la même : la propreté. D’après une étude menée par le chercheur en ingénierie mécanique Tadd Truscott, lorsqu’un homme fait ses besoins debout, les éclaboussures, que les Anglo-Saxons appellent retrosplash, se propagent jusqu’à 3 mètres à la ronde – une distance d’autant plus importante à connaître pour ceux dont la brosse à dents ou la serviette de toilette est installée dans la même pièce que les cabinets.

Pour garantir la propreté des sanitaires, faut-il imposer à tous le pipi assis ? Ou s’agirait-il d’une énième croisade wokiste contre les libertés masculines ? En 2003 déjà, dans son essai Fausse route (Odile Jacob), consacré à la critique d’un féminisme censé être « obsédé par le procès du sexe masculin », Elisabeth Badinter fustige les mères suédoises qui apprennent aux petits garçons à prendre place sur la lunette des W.-C.. Quand, sur TikTok, Doctor JFK, un étudiant en pharmacie, publie une vidéo pour expliquer que « faire pipi assis permet d’augmenter ton débit urinaire maximal », les internautes alarmés se précipitent pour commenter : « Le mec est fait pour uriner debout ! Regarde les chiens : les mâles et les femelles ne pissent pas non plus de la même façon ! »

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Source: Le Monde