" L’école est finie ", sur LCP : cinq professeurs des écoles expliquent pourquoi ils ont craqué

June 10, 2023
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Image tirée du documentaire « L’école est finie » (2022), de Julie Chauvin. KEREN PRODUCTION

LCP – SAMEDI 10 JUIN À 21 HEURES – DOCUMENTAIRE

Ils déclarent à 92 % aimer leur métier, et 73 % d’entre eux se disent heureux de l’exercer : eux, ce sont les enseignants, d’après le baromètre UNSA Education 2023, rendu public le 27 mai. Mais cet enthousiasme doit être lourdement relativisé : 34 % ne trouvent plus de sens à leur métier (en hausse de 5 % sur un an), 71 % sont en manque de reconnaissance (contre 52 % en 2016), et 90 % estiment que leurs conditions de travail se sont dégradées depuis un an.

Aussi, donner chair à ces statistiques est intéressant. La réalisatrice, Julie Chauvin, le fait, mais partiellement, puisqu’elle ne donne la parole qu’à des professeurs des écoles en détresse : Lucie, Emilie et Anthony, qui ont démissionné – quitte, pour ce dernier, à enseigner dans le privé ; Laurence qui prend sa retraite, « soulagée » ; et Manon qui tient bon, mais ne sait pas jusqu’à quand.

Le film est d’ailleurs dédié « à la mémoire de Christine Renon », directrice d’école à Pantin (Seine-Saint-Denis), qui s’est suicidée en septembre 2019, après avoir envoyé un courrier qui mettait en cause l’éducation nationale et ses conditions de travail, détaillant « son épuisement », la solitude des directeurs, les réformes incessantes et contradictoires. On retrouve les mêmes griefs dans les propos des enseignants ce soir.

Manon a commencé à 23 ans, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), persuadée qu’elle devait sauver ces enfants. Emilie est professeure des écoles depuis vingt-deux ans, et directrice d’école depuis dix-huit dans le Calvados. Une double casquette épuisante.

Sentiment d’abandon

Anthony a été professeur des écoles neuf ans, au cours desquels il devait gérer les cours, l’alimentation, le sommeil de ses élèves. Laurence a, elle, « aimé [son] métier tout de suite », loin d’imaginer que, trente-neuf ans plus tard, elle serait soulagée de prendre sa retraite. Lucie a enseigné quinze ans dans la Creuse. Comme ses collègues, elle parle du surinvestissement, du temps qu’elle n’a plus pour sa famille. Chacun a connu un événement qui a été « la goutte d’eau en trop ».

Que ce soit un accident, une agression, des menaces de mort, ou des burn-out doublés de maladies (imputées au surmenage), tous dénoncent le sentiment d’abandon, la non-réponse de l’administration, l’absence de soutien. Comme Christine Renon dans sa lettre. Et la pandémie de Covid-19 n’a rien arrangé. Tous ont les larmes aux yeux ou pleurent. Notamment lorsqu’ils osent aborder les tabous des élèves qui subissent des maltraitances ou des violences sexuelles, ou celui de la multiplication de « profils dysfonctionnants ».

Des témoignages puissants qui n’avaient pas besoin des artifices d’une mise en scène pesante. Pour scander les récits des enseignants, filmés seuls, chez eux, à leur bureau ou dans leur classe vide, des intermèdes montrent des salles de classe sans élèves ni profs, en théorie pour symboliser l’abandon de l’administration, en pratique au risque de décourager le téléspectateur, ce qui serait dommage.

L’école est finie, documentaire de Julie Chauvin (Fr., 2022, 50 min).

Source: Le Monde