Miracle en Colombie: comment les enfants perdus ont réussi à survivre dans la jungle

June 12, 2023
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Temps de lecture: 3 min — Repéré sur El País

Le petit avion qui transportait Magdalena Mucutu et ses enfants signala une panne de moteur et commença à perdre de l'altitude. La petite famille partait rejoindre Manuel Ranoque, le papa, menacé par la guérilla et qui avait décidé de commencer une nouvelle vie à Bogota. Le pilote tenta de se poser sur la rivière Apaporís, mais l'avion s'écrasa sur le sol de la jungle.

Lorsque les autorités comprirent que l'avion avait été avalé par la jungle, elles donnèrent tous les passagers pour morts. Mais seize jours plus tard, des indigènes retrouvèrent l'épave et à l'intérieur, seulement trois cadavres d'adultes, dont celui de la maman des enfants. Où étaient passés les petits? Les secours retrouvèrent un biberon, une pomme à moitié mangée, un élastique à cheveux, des couches: les enfants échoués depuis plus de deux semaines étaient peut-être encore vivants.

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Lesly, 13 ans, Soleiny, 9 ans, Tien Noriel, 4 ans et Cristin Neriman, 11 mois, ont vécu une aventure qui force l'admiration et le respect. C'est Lesly, l'aînée de la fratrie, qui a assuré la survie de ses frères et sœurs et porté la petite de 11 mois, en s'aidant de ce qu'elle trouvait dans la forêt et de kits de survie lancés par avion par les équipes de recherche. Pendant leur errance, plus de 100 membres des forces spéciales colombiennes et 70 indigènes les ont cherchés dans la forêt la plus vaste et la plus dense de la Terre.

En chemin, ils ont rencontré un chien errant qui les a accompagnés pendant plusieurs jours avant de disparaître inexplicablement. Dans la jungle, il fait sombre: la canopée est si épaisse qu'elle laisse à peine filtrer la lumière et on n'y voit pas à plus de 20 mètres; les enfants devaient donc rester groupés. Mais Lesly, du haut de ses 13 ans, connaissait les secrets de la jungle. Elle sut s'orienter grâce aux rayons de soleil et reconnaître les sentiers praticables et les champignons comestibles.

Le miracle survint

Ce qu'ils ne savaient pas et qui les a probablement sauvés, c'est que le président colombien, Gustavo Petro, avait mis un point d'honneur à les retrouver dès le moment où l'épave de l'avion fut localisée. Ces enfants devinrent une priorité nationale. Cela faisait alors quasiment trois semaines qu'ils étaient perdus, et le responsable des recherches, Pedro Sánchez, décréta que leurs chances de survie reposaient beaucoup sur le fait que ces enfants étaient des indigènes.

Les enfants et leurs parents vivaient dans un village appelé Araracuara, au cœur de la jungle amazonienne. C'est là que dans les années 1930, un président colombien avait ordonné la construction d'une prison pour enfermer les criminels les plus dangereux. C'était en réalité un bagne à ciel ouvert dont les seuls murs étaient la forêt épaisse et dangereuse qui promettait la mort à quiconque s'y aventurait. Les générations qui s'y succédèrent apprirent à vivre au milieu des serpents, des jaguars et des plantes vénéneuses.

La recherche des quatre enfants perdus dans la jungle dura si longtemps que le pays finit par presque les oublier, au profit de divers scandales d'écoutes illégales et de rumeurs de financements louches. Mais Pedro Sánchez ne lâcha rien. Pour lui, les enfants étaient vivants tant qu'on ne les retrouvait pas morts.

Les militaires reçurent beaucoup d'aide de la part des communautés indigènes. Ceux-ci prièrent avant d'entrer dans la jungle, demandant la permission à la mère nature, selon des rites qui restent impénétrables pour les Blancs. Pour ces communautés, la forêt est un être vivant, doué d'une volonté propre, et la grand-mère des petits décréta que c'était la nature qui refusait de laisser sortir les enfants.

Une des craintes du président colombien était qu'une des communautés vivant à peu près isolées du monde extérieur ne trouve les enfants en premier, et ne les adopte. Puis, le miracle survint: la nature accepta de rendre les enfants à leur père. Au bout de quarante jours, les secours les retrouvèrent, dénutris, épuisés mais vivants et en relative bonne santé.

Aujourd'hui, Lesly, Soleiny, Tien Noriel et Cristin Neriman sont à l'hôpital de Bogota où ils seront soignés quelques semaines. Ils s'ennuient, disent-ils, et ne veulent que jouer et lire. Tien Noriel, 4 ans, n'a qu'une idée en tête: enlever tous ces tubes et partir se promener.

Source: Slate.fr