Documents classifiés : pourquoi Donald Trump a-t-il été inculpé et non Mike Pence ou Joe Biden ?

June 12, 2023
147 views

États-Unis

Inculpé dans l'affaire des archives présidentielles, l'ancien président américain comparaît mardi à Miami lors d'une première audience. Pourtant, Donald Trump n'est pas le seul responsable politique à avoir fait preuve d'une légèreté coupable dans sa gestion des archives présidentielles : l'actuel locataire de la Maison Blanche, Joe Biden, ainsi que l'ancien vice-président Mike Pence ont également conservé des documents sensibles à leur domicile.

Un partisan de Donald Trump déguisé en bagnard et portant un masque à l'effigie de Joe Biden manifeste à proximité de Mar-a-Lago en Floride, le 11 juin 2023.

Publicité Lire la suite

Un système judiciaire "corrompu" et "instrumentalisé", une "chasse aux sorcières" destinée à l'empêcher de se présenter à l'élection présidentielle en 2024 : Donald Trump devrait de nouveau dérouler ses arguments favoris lors du discours qu'il a prévu de prononcer mardi 13 juin, depuis le New Jersey, dans la foulée de sa première comparution à Miami en Floride dans l'affaire des archives présidentielles.

Depuis l'annonce de son inculpation vendredi, l'ancien président des États-Unis et ses soutiens ne cessent de dénoncer un deux poids, deux mesures de la justice américaine. Ils s'appuient notamment sur deux affaires en apparence similaires impliquant l'ancien vice-président Mike Pence et l'actuel locataire de la Maison Blanche, Joe Biden, qui ont également conservé des documents classifiés dans des lieux non autorisés et non sécurisés.

"Il est inconcevable pour un président d'inculper son principal opposant. Joe Biden a conservé des documents classifiés pendant des décennies. Moi, et tous les Américains qui croient en la primauté de la loi, soutenons le président Trump contre cette grave injustice", a notamment réagi Kevin McCarthy, le président républicain de la Chambre des représentants.

Today is indeed a dark day for the United States of America.

It is unconscionable for a President to indict the leading candidate opposing him. Joe Biden kept classified documents for decades.

I, and every American who believes in the rule of law, stand with President Trump… — Kevin McCarthy (@SpeakerMcCarthy) June 9, 2023

En janvier, des avocats de Joe Biden avaient annoncé avoir découvert plusieurs documents confidentiels dans un ancien bureau du président à Washington, puis dans sa résidence privée du Delaware, datant de l'époque où ce dernier occupait la fonction de vice-président.

Quelques jours après ces révélations, le feuilleton des documents classifiés avait connu un nouveau rebondissement avec l'entrée en scène de Mike Pence : l'ancien vice-président détenait lui aussi des documents sensibles à son domicile situé dans l'Indiana. Aux États-Unis, les présidents et vice-présidents se doivent de transmettre tous les documents liés à leur mandat aux Archives nationales.

>> À lire aussi : Les présidents américains et leurs archives retrouvées : malveillance, négligence ou hypocrisie ?

Si Joe Biden est toujours visé par une enquête, le département de la Justice a informé début juin les équipes juridiques de Mike Pence qu'aucune accusation criminelle ne sera portée contre lui. Une preuve supplémentaire, selon les partisans de Donald Trump, d'un acharnement judiciaire contre l'ancien président, le premier dans l'histoire des États-Unis à faire face à une inculpation fédérale.

Un volume de documents sans commune mesure

Cependant, un rapide examen de l'acte d'accusation de Donald Trump permet de comprendre pourquoi cette affaire est difficilement comparable à celles impliquant Joe Biden et Mike Pence. La différence porte d'abord sur la quantité des documents retrouvés. Si aucun chiffre précis n'a officiellement été rendu public, les avocats de Joe Biden ont mis à jour une dizaine de documents classifiés à son ancien bureau de Washington et "un petit nombre" à son domicile du Delaware, selon les médias américains.

Un nombre restreint qui tranche avec les 325 documents classifiés retrouvés dans la résidence de Donald Trump à Mar-a-Lago. D'après l'acte d'accusation, les documents confidentiels "incluaient des informations sur les capacités de défense des États-Unis et de pays étrangers", "sur les programmes nucléaires" américains et "sur les vulnérabilités potentielles en cas d'attaque contre les États-Unis et leurs alliés".

>> À lire aussi : Perquisition chez Donald Trump : ce que risque l’ancien président américain

Parmi les documents retrouvés, plusieurs étaient siglés SCI pour "Top Secret / Sensitive Compartmented Information" qui représente le plus haut niveau d’habilitation et concerne uniquement des informations ultra-sensibles.

La justice américaine a également révélé qu'en juillet 2021, le milliardaire a dévoilé à quatre personnes dépourvues d'habilitation secret défense "un plan d'attaque" que lui avait préparé le ministère de la Défense lorsqu'il était président. Jusqu'à preuve du contraire, ni Joe Biden, ni Mike Pence, n'ont partagé des documents sensibles avec des tiers.

"C'est un acte d'accusation plutôt très détaillé. Et il est accablant", a asséné sur Fox News l'ancien ministre de la Justice de Donald Trump, Bill Barr, ancien allié devenu critique envers l'ancien président.

Dissimulation et faux témoignage

Mais la différence la plus significative entre ces affaires est l'attitude de Donald Trump pendant la procédure. Là où Joe Biden et Mike Pence ont étroitement collaboré avec le département de la Justice et rendu tous les documents aux Archives nationales, plaidant "l'inadvertance", le milliardaire semble au contraire avoir voulu dissimuler des documents qu'il avait emportés sciemment lors de son départ de la Maison-Blanche.

Des cartons entiers sont ainsi restés empilés pendant des années dans sa luxueuse résidence Mar-a-Lago, en Floride – notamment sur la scène d'une "salle de bal", dans une chambre ou encore dans une salle de bain. Selon l'acte d'accusation, Donald Trump et son assistant Walt Nauta ont fait obstruction à l'enquête en tentant de cacher ces documents pourtant réclamés à plusieurs reprises par la police fédérale (FBI).

🚨#BREAKING: Photos Have just been Released to the public Showing large numbers of boxes of Classified Documents stored in trumps home In Mar-A-Lago Florida pic.twitter.com/LnBeA2EjQy — R A W S A L E R T S (@rawsalerts) June 9, 2023

Selon des échanges de message révélés par la justice américaine, Walt Nauta aurait menti aux enquêteurs en prétendant ne pas avoir eu connaissance de la présence de ces cartons de documents alors qu'il avait lui-même aidé à les transférer en Floride à la demande de son patron.

"Cette affaire ne porte pas sur le type de documents qui ont été emportés mais sur ce que le président Trump a fait au moment où le gouvernement cherchait à les retrouver", analyse Robert Mintz, un ancien procureur fédéral interrogé par le Washington Post.

En règle générale, il n’y a pas de poursuites quand des documents ont été conservés par erreur ou inadvertance. Selon plusieurs experts juridiques, Donald Trump aurait ainsi parfaitement pu échapper à une inculpation en remettant tous les documents exigés par les Archives nationales. L'ancien président n'a d'ailleurs pas été inquiété pour les près de 200 documents qu'il a volontairement remis en janvier 2022 sous la pression du FBI.

>> À voir aussi : Donald Trump inculpé par la justice fédérale : les autres affaires autour de l'ex-président

"Pour résumer, l'acte d'accusation dépeint un homme qui savait que ce qu'il faisait était mal et qui s'est donné beaucoup de mal pour le dissimuler. M. Trump savait exactement à quel point la découverte des documents serait néfaste et il voulait qu'ils soient détruits ou cachés", assure le magazine The Atlantic dans une chronique intitulée "Les crimes les plus stupides imaginables".

Visé par 37 chefs d'inculpation dont "rétention illégale d'informations portant sur la sécurité nationale", "entrave à la justice" et "faux témoignage", Donald Trump risque théoriquement plusieurs dizaines d'années de prison.

Le résumé de la semaineFrance 24 vous propose de revenir sur les actualités qui ont marqué la semaine Je m'abonne

Source: FRANCE 24