"C'est anachronique !" : Grigny ne veut plus que Coca-Cola pompe dans sa nappe phréatique

April 28, 2023
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C'est difficilement justifiable... Dans un contexte de sécheresse et dans une période où l'eau commence à se faire rare, une entreprise peut-elle encore rester libre de forer comme elle l'entend dans une nappe phréatique ? C'est toute la question qui se pose depuis quelques jours à Grigny, en Essonne. Là où depuis plus de 30 ans, une usine pompe tous les litres dont elle a besoin pour ses sodas. Implantée depuis 1986 à 22 km au sud de Paris, l'usine Coca-Cola a été priée d'arrêter de puiser dans la nappe phréatique de la ville pour produire ses boissons.

Mercredi, la municipalité a annoncé avoir trouvé un "accord de principe" avec la multinationale. Le maire (PCF), Philippe Rio, l'assure : "Nous sommes en train de créer les conditions techniques" d'un raccordement de l'usine au réseau public de distribution d'eau de la ville. Au micro de France Inter, il explique que cela fait "une dizaine d'années que nous demandons à Coca-Cola de cesser" de pomper dans la nappe phréatique.

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"Une situation has been et anachronique"

À l’origine de cette pratique, un contrat signé par le géant américain en 1986 quand il s'est implanté sur la commune. Il est alors autorisé à exploiter directement la nappe. Le site emploie 266 personnes et produit des bouteilles de Sprite, Coca-Cola ou encore de Fanta. Pour cela, l'usine pompe, d'après nos confrères du journal "Le Parisien", au moins 730 000 m3 d'eau par an dans la nappe phréatique, soit l'équivalent de presque 300 piscines olympiques. La "situation" est aujourd'hui "has been et anachronique" pointe Philippe Rio, pour qui "il faut protéger la ressource [en eau, ndlr] car on ne sait pas de quoi demain sera fait".

Coca-Cola était seul à puiser dans cette nappe phréatique, Grigny étant alimentée en eau par la Seine, explique également le maire. "Il n'y avait pas de conflit d'usage sur la nappe phréatique", souligne-t-il, ajoutant que la ville n'a pas de "problème d'alimentation" en eau. "On est même en surcapacité" et "on peut donc leur fournir de l'eau, ils n'ont pas à toucher à un milieu naturel, qu'il faut préserver", insiste Philippe Rio. "Peut-être que dans vingt ans, on aura bien fait de ne pas y toucher", plaide-t-il.

Coca assure avoir "investi" pour "limiter" sa consommation d'eau

De son côté, Coca-Cola Europacific Partners (CCEP), l'embouteilleur en Europe occidentale du géant américain des boissons gazeuses, indique dans un communiqué qu'"à ce stade", l'accord avec la municipalité est encore "en discussion". L'entreprise dit travailler "avec la municipalité à des modalités pour acheter de l'eau de ville pour une partie" de ses boissons. CCEP assure également avoir "investi" sur le site de Grigny "afin de limiter au maximum" sa consommation d'eau. Des investissements qui ont permis selon l'entreprise "des économies supérieures à 50.000 m3 par an". "Notre forage est soumis à des autorisations préfectorales qui sont révisées et délivrées régulièrement, et qui peuvent évoluer en fonction de la situation de stress hydrique du territoire, sur décision des services de l'État", souligne aussi CCEP.

Les prélèvements en eau "évoluent régulièrement au gré de l'activité sans jamais dépasser, à aucun moment, la limite de 1,2 million de m³ autorisée", précise la préfecture de l'Essonne. Ces prélèvements ont été autorisés "après étude des impacts hydrogéologiques", ajoute-t-elle. Selon cette même source, l'entreprise a "le droit de disposer librement des eaux de source et des nappes souterraines se trouvant en dessous" du terrain dont elle est propriétaire, et "comme l'ensemble des préleveurs d'eau, une redevance est due à l'Agence de l'eau Seine-Normandie".

Un changement bon pour l'image de Coca

Si l'accord finit par aboutir et que Coca-Cola se raccorde au réseau public de la ville, reste à négocier le tarif du m3, ce qui va changer la facture pour le géant américain. L'exploitation directe de la nappe était synonyme d'eau à très bas coût. Une concession nécessaire aux yeux d'Hamza Bekkouche, employé de l'usine de Grigny, contacté par France Inter. "On est dans une entreprise mondialement connue qui travaille beaucoup sur son image et effectivement cela coûterait un peu plus cher mais en terme d'image, elle s'y retrouverait." Reste à connaître le coût de ce raccordement. Le devis établi par la ville de Grigny marquera le début des négociations.

Source: Radio France