A Mayotte, la colère des habitants et des élus favorables à l’opération d’expulsions " Wuambushu "

April 28, 2023
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ReportageDes élus et habitants de l’île défendent l’opération policière de destruction de bidonvilles et d’expulsions, et voient dans la présence des Comoriens une menace pour leur sécurité.

Une dame pleure à chaudes larmes. Elle regarde, inconsolable, des pelleteuses détruire quelques habitats informels sur un terrain qui doit accueillir le futur lycée des métiers du bâtiment de Longoni, au nord de l’île de Grande-Terre, à Mayotte. Jeudi 27 avril, le préfet du 101e département de France, Thierry Suquet, voulait démontrer à la presse que l’opération « Wuambushu » se poursuit, alors que plusieurs décisions de justice et les tensions diplomatiques avec les Comores voisines ont largement contrarié les opérations de destruction de bidonvilles et les expulsions de Comoriens sans titre de séjour promises par le gouvernement.

Salami Combo devant la destruction de l’habitat qu’il construisait depuis plus de 8 ans, à Mayotte, le 27 avril. MORGAN FACHE POUR « LE MONDE »

Le mari de la dame en pleurs, Salami Combo, ne comprend pas. Cela faisait huit ans que le couple construisait une maison ici, « petit à petit ». « On n’a pas beaucoup d’argent alors, dès qu’on trouvait 1 000 euros, on avançait, dit-il. Les trois chambres et le salon étaient déjà bétonnés. » Salami Combo est en colère : « Les Blancs arrivent et font ce qu’ils veulent. Ils ne touchent pas aux bangas [maisons de tôle] des Comoriens mais détruisent nos maisons alors que nous sommes des Mahorais. »

Présentée comme une réponse à l’augmentation de la délinquance et de l’immigration irrégulière, l’opération « Wuambushu » ravive les tensions entre Comoriens et Mahorais, dans cette île qui est la seule de l’archipel des Comores à avoir décidé de rester française au moment des indépendances, dans les années 1970. Un statut qui n’a jamais été reconnu par Moroni, la capitale fédérale de l’Union des Comores.

« Choc de souveraineté »

C’est cette histoire et les rancœurs qu’elle charrie qui réapparaissent en creux aujourd’hui. Dans le sud de l’île, à Chirongui, plusieurs centaines de Mahorais, dont une majorité de femmes, se sont rassemblés au stade pour appeler à intensifier « Wuambushu ». « Mayotte est saturée. On ne veut pas des Anjouanais [les ressortissants de l’île des Comores la plus proche, Anjouan]. Ils viennent de façon irrégulière et ils peuvent tuer nos enfants », affirme Yatoune Saïd Abdallah, une Mahoraise de 70 ans, originaire de la commune de Bandrélé, qui a participé à la manifestation pro- « Wuambushu », vêtue d’un pagne à l’effigie du mouvement des Chatouilleuses, ces femmes activistes qui, durant les années 1960, se sont battues contre le transfert de la capitale de Dzaoudzi (Mayotte) à Moroni et contre la domination grand-comorienne.

Elle arbore aussi un tee-shirt du Comité de défense des intérêts mahorais (aujourd’hui rebaptisé « Collectif des citoyens de Mayotte »), qui voit dans l’immigration comorienne une volonté de reconquête. Sa figure de proue, Estelle Youssouffa, est aujourd’hui députée de Mayotte et membre du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT) à l’Assemblée nationale. Yatoune Saïd Abdallah a dessiné sur ses joues des traits aux couleurs du drapeau national : « L’Anjouanais prend notre terre, construit illégalement dessus et, si je me plains, il sort sa machette », assure-t-elle, tout en reconnaissant n’avoir jamais subi personnellement d’agression.

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Source: Le Monde