" Marcel le coquillage (avec ses chaussures) " : le fabuleux destin d’un bigorneau dans un Airbnb

June 14, 2023
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« Marcel le coquillage (avec ses chaussures) », de Dean Fleischer Camp. L’ATELIER DISTRIBUTION

L’AVIS DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER

La mainmise historique des studios hollywoodiens sur l’animation mondiale, d’une efficience et d’une créativité qui ne sont plus à démontrer, a pour contrepartie de faire ressortir avec plus de netteté les vertus singulières d’autres régions créatives. Ce fut le cas longtemps de l’ex-bloc soviétique, qui excella dans l’animation en volume, et bien évidemment de la France, qui fit partie des pionniers du genre. Il existe toutefois sur le sol américain lui-même une production indépendante, contre-culturelle, moins connue, qui s’est toujours démarquée de la production majoritaire.

Il conviendra de compter dans cette catégorie Dean Fleischer Camp, qui livre avec Marcel le coquillage (avec ses chaussures) un mélo à la fraîcheur croustillante, doté d’une poésie douce et d’une inspiration surréaliste, grand bol d’air fabriqué entre prises de vues réelles et animation en volume.

Son personnage principal, ledit Marcel, est un petit coquillage de type bigorneau, dont la coquille présentée à l’horizontale constitue la tête, incrustée à l’extrémité droite d’un œil gigantesque au pourtour vert tendre, et posée sans autre transition squelettique sur deux pieds chaussés d’une sorte de paire de Pataugas beige et orange. Ce jeune garçon, comme nous n’allons pas tarder à l’apprendre, est par ailleurs doté d’une voix et d’une tonalité très particulières qui ont le don de faire fondre quiconque les entend.

Mise en abyme intime

Vivant avec sa grand-mère Connie dans une vaste maison louée par l’intermédiaire d’Airbnb, son existence, confinée aux tiroirs à chaussettes et à quelques incursions dans le potager cultivé par Connie, scandée néanmoins par d’ingénieux détournements du mobilier existant, n’aura jusqu’à ce film été détectée par personne, jusqu’à l’installation dans la maison d’un nouveau locataire, un réalisateur (l’auteur du film), qui entame avec lui une relation privilégiée et décide de lui consacrer un documentaire. Moins, sans doute, parce que la créature est un coquillage de 2 centimètres de haut qui maîtrise la langue anglaise et fait preuve d’une certaine profondeur d’esprit que parce que ces deux-là étaient faits pour se rencontrer.

Marcel est en effet un garçonnet plein de vie et de foi en l’avenir, mais secrètement inconsolable, car il a perdu toute sa famille, hormis mémé Connie, le jour où de précédents locataires, un jeune couple, se sont sévèrement disputés et où l’homme a subitement fait sa valise, emmenant dans ses chaussettes tous les proches de Marcel, avant de disparaître dans la nature. Quant au réalisateur, on comprend à demi-mot qu’il tente ici de se remettre d’une rupture amoureuse, aussi brutale que la précédente. L’intéressant est que le long-métrage – remarquable par l’émotion et la tendresse qu’il parvient à conférer à une histoire aussi abracadabrante – procède lui-même d’une mise en abyme intime qui éclaire, sans doute, cette profondeur sentimentale.

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Source: Le Monde