Au Soudan, les multiples visages du général " Hemetti ", seigneur de guerre et " fils du désert "

June 14, 2023
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Le général Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti », à Abraq, au Soudan, en juin 2019. YASUYOSHI CHIBA / AFP

Le général « Hemetti » est introuvable. A l’exception d’une poignée d’interviews données par téléphone, la voix haletante, sur les ondes des télévisions arabes, et d’une brève apparition filmée à la tête d’un convoi de miliciens, publiée sur les réseaux sociaux, le chef des Forces de soutien rapide (FSR) est resté dans l’ombre depuis le 15 avril et le début de la guerre l’opposant aux Forces armées soudanaises (FAS), dirigées par le général Abdel Fattah Al-Bourhane.

Alors que l’armée régulière a fait de sa capture, mort ou vif, son objectif numéro un, les rumeurs se multiplient quant à son éventuelle blessure des suites d’un bombardement. Son dernier signe de vie est un message envoyé sur WhatsApp, fin mai, incitant ses soldats à poursuivre les combats « jusqu’à la victoire ou jusqu’au martyre ».

Si « Hemetti » – Mohammed Hamdan Daglo de son vrai nom – demeure invisible sur le champ de bataille, sa propagande fait le tour du monde. Depuis plusieurs années, et a fortiori depuis le début de la guerre, les FSR sont engagées dans une opération de relations publiques intercontinentale. Après une tournée dans plusieurs capitales africaines, leur conseiller politique, Youssef Ezzat, a mis le cap début juin sur l’Europe. A Paris, il a été reçu au ministère des affaires étrangères, selon le site Africa Intelligence, avant de s’envoler pour Londres et Berlin.

L’objectif est clair : blanchir l’image du général « Hemetti » en le présentant comme un dirigeant respectable, seul garant de la restauration d’un gouvernement civil au Soudan, rempart contre l’islamisme et l’immigration illégale.

Dès avant la guerre, des contenus favorables aux FSR ont été diffusés par la chaîne française BFM-TV, comme l’avaient révélé les enquêtes « Story Killers ». En ligne, les équipes de « Hemetti » multiplient les publications sur ses comptes officiels, rédigées dans un anglais parfait, saluant « les efforts » de la communauté internationale, Arabie saoudite et Etats-Unis en tête, ainsi que les pays africains pour leur « engagement au côté du peuple soudanais ».

Exactions, arrestations, viols

Pourtant, loin d’avoir permis la distribution de l’aide humanitaire, les multiples cessez-le-feu annoncés suite aux médiations internationales semblent plutôt avoir profité aux FSR, qui ont consolidé leur assise à Khartoum, où les miliciens sont disséminés dans les quartiers résidentiels, ainsi que sur de larges pans du Darfour (ouest).

Depuis le 15 avril, la capitale, bombardée par les forces armées, est mise à sac. Hôpitaux, musées, banques et habitations sont occupés et souvent pillés. Des exactions commises pour l’essentiel par les paramilitaires du général « Hemetti », selon les témoignages recueillis par Le Monde. Alors qu’en seulement deux mois, plus de 700 000 personnes ont été forcées à l’exil hors de Khartoum, les récits d’exactions, d’arrestations ou de viols incriminant les FSR se multiplient, selon des dizaines de témoignages récoltés par Le Monde.

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Source: Le Monde