"Il te faut rendre des comptes" : l'Algérie réintroduit un couplet anti-France dans son hymne national

June 15, 2023
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Par décret, le président Tebboune a rétabli dans certaines situations le troisième couplet de Kassaman, l'hymne algérien, qui vise nommément la France.

Faut-il percevoir cet événement, passé relativement inaperçu dans l'Hexagone, comme une nouvelle claque aux relations diplomatiques franco-algériennes ? Le 24 mai dernier, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a pris la décision par décret de réintroduire, dans certaines situations, le troisième couplet de l'hymne national de son pays, le Kassaman. Jusqu'à aujourd'hui, l'hymne était, dans l'écrasante majorité des cas, joué dans sa version réduite, avec un seul couplet.

Cette modification serait anecdotique si le couplet en question ne visait pas directement la France. Dans le détail, il déclame :

«Ô France ! le temps des palabres est révolu

Nous l'avons clos comme on ferme un livre

Ô France ! voici venu le jour où il te faut rendre des comptes

Prépare-toi ! voici notre réponse

Le verdict, notre révolution le rendra

Car nous avons décidé que l'Algérie vivra»

Un couplet polémique jusqu'en Algérie

Jusqu'à maintenant, ce couplet, tout comme le deuxième, le quatrième et le cinquième, n'était prévu que lors des congrès du FLN et l'investiture du président de la République, en vertu d'un décret promulgué en mai 1986. Autant dire qu'il était particulièrement rare de l'entendre. Mais dans ce nouveau décret, le président Tebboune a décidé que la version complète de l'hymne, et donc le troisième couplet, devrait également être exécutée lors «des commémorations officielles en présence du président de la République».

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Le Kassaman a été au centre de nombreuses polémiques au cours de sa jeune histoire. Composé en 1955, au tout début de la guerre d'Algérie, par le poète Moufdi Zakaria, fervent militant indépendantiste, il fut adopté en 1963, quelques mois après l'indépendance. Dans les années 1980, sous la présidence de Chadli Bendjedid, les autorités algériennes ont tenté de supprimer le couplet problématique, au motif que l'hymne algérien était le seul au monde à citer nommément un autre pays. Mais l'amendement a été rejeté.

Deux autres tentatives ont également échoué, en 1967 et en 2007. Le couplet n'a donc jamais été supprimé. En revanche, le décret de mai 1986 a limité l'usage de la version complète. Celui de mai dernier l'élargit donc un peu plus. En cas de visite d'État en Algérie, le président Emmanuel Macron n'aurait néanmoins pas à subir l'affront d'un hymne résolument anti-France, puisque cette modification ne concerne pas les visites officielles de chefs d'État.

Un contexte diplomatique tendu

Cet événement prend place dans un contexte diplomatique délicat entre la France et l'Algérie. Le président Tebboune avait pourtant salué dans les colonnes du Figaro , à la fin du mois de décembre, la nouvelle «relation de confiance» entre les deux pays, quatre mois après la visite d'État d'Emmanuel Macron. Les deux chefs d'État avaient même convenu d'une date de visite dans l'Hexagone, pour Abdelmadjid Tebboune, les 2 et 3 mai.

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Entre-temps, la France et l'Algérie se sont retrouvés au beau milieu d'une brouille diplomatique provoquée par la partie algérienne, quand Paris a aidé à exfiltrer de Tunis vers l'Hexagone l'opposante franco-algérienne Amira Bouraoui, sous le coup d'une condamnation. Si cette tension passagère n'a pas duré, Tebboune a reporté au mois de juin sa visite à Paris, selon une information du Figaro.

Finalement, cette visite pourrait n'avoir lieu qu'après l'été. Car les agendas des deux présidents sont chargés d'ici là. Mais sans doute aussi parce qu'Alger voit d'un mauvais œil les attaques à son encontre vis-à-vis de la politique migratoire, venues de l'autre rive de la Méditerranée. Dans une récente interview à L'Express , l'ancien premier ministre Edouard Philippe a en effet dénoncé le traité franco-algérien de 1968, qui définit les conditions d'accueil et de séjour des Algériens en France. Tout comme l'ancien ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt, dans son nouveau livre.

Source: Le Figaro