Guerre en Ukraine : ces petits arrangements qui permettent à la Russie d’échapper aux sanctions

April 28, 2023
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EnquêteDepuis le 22 février 2022, l’Union européenne a imposé des restrictions sans précédent à la Russie. Mais, grâce à un circuit de contournement mis en place par des pays tiers, des composants électroniques pouvant servir à la fabrication de matériel militaire lui parviennent encore.

Couper la Russie des flux financiers mondiaux. La stratégie que l’Occident, réticent à affronter militairement une puissance nucléaire hostile, a choisie pour sanctionner l’invasion de l’Ukraine est-elle efficace ? Visé depuis le 24 février 2022 par une salve de sanctions sans précédent destinée à affaiblir son effort de guerre, Moscou s’adapte. En quatorze mois de conflit, le Kremlin a su tirer parti des failles du dispositif pour importer les biens de la haute technologie occidentale dont son industrie de défense est fortement tributaire.

Premier constat, l’habileté de Moscou à contourner est un casse-tête pour les pays à l’origine des restrictions, Union européenne (UE) en tête. La Fédération de Russie continue « d’approvisionner son industrie militaire et ses industries stratégiques », constatent douze Etats membres – Belgique, République tchèque, Estonie, Finlande, France, Allemagne, Italie, Lettonie, Lituanie, Roumanie, Espagne, Pays-Bas –, dans un document transmis, en février, à la Commission européenne. « De plus en plus nombreuses et créatives », les tactiques de contournement, précise le texte, passent par « l’utilisation de sociétés-écrans et d’intermédiaires dans le cercle des pays entourant la Russie », à savoir la Turquie, le Kazakhstan, la Biélorussie, l’Arménie, la Géorgie, ainsi que les Emirats arabes unis et la Chine.

Un circuit confirmé par les données du commerce extérieur. En 2022, les flux commerciaux de l’UE vers ces Etats ont battu des records, tout comme les exportations de ces mêmes pays vers la Russie. « Une quantité considérable de marchandises sanctionnées est exportée de l’espace européen, et donc aussi de l’Allemagne, vers certains pays tiers, puis, de là, vers la Russie », déclarait, le 23 février, le ministre allemand de l’économie, Robert Habeck, sur les chaînes néerlandophones RTL et NTV. Après être resté stable des années durant, le nombre de biens de consommation courante importés d’Europe par ces pays « a tout à coup augmenté fortement avec le début de la guerre », ajoutait-il.

Appareils électroménagers dépecés

« Il nous faut trouver une manière de traiter et de partager toutes les informations que recensent les Etats membres – fiscales, douanières, commerciales et des services de renseignement –, car, on le voit, à chaque paquet de sanctions, les entreprises et les flux se réorganisent sur le marché intérieur », pointe un diplomate européen. A Bruxelles la Commission aide à l’analyse des données. Un site, EU Sanctions Whistleblower Tool, a été mis en place, grâce auquel il est possible, de manière anonyme, de dénoncer telle ou telle pratique d’une entreprise. A ce jour, soixante-quinze déclarations ont été enregistrées.

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Source: Le Monde