Mgr Hervé Gosselin accusé d’avoir couvert des abus au Foyer de Charité de Tressaint
Pressions, intimidations, couverture de violences sexuelles… Les accusations formulées à l’égard de Mgr Hervé Gosselin sont lourdes. Dans une enquête publiée par Mediapart jeudi 15 juin, plusieurs femmes passées par le Foyer de Charité de Tressaint (Côtes-d’Armor) accusent l’ancien responsable du lieu (2003-2016) d’avoir voulu passer sous silence les nombreuses allégations de violences sexuelles qui y ont été perpétrées.
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Selon le média d’investigation en ligne, qui s’appuie sur les témoignages de plusieurs femmes et de documents écrits de la main de Mgr Gosselin - évêque d’Angoulême depuis 2016 - celui-ci aurait ignoré les récits de victimes de deux membres du foyer, notamment de son prédécesseur à Tressaint et « mentor », le père André-Marie van der Borght (1925-2004). Mediapart dénombre environ 90 femmes victimes de violences sexuelles passées par ce foyer.
Non-dénonciation de violences sexuelles
Les cas d’abus perpétrés par le père van der Borght sont connus depuis 2018. Mgr Gosselin avait toujours affirmé ignorer les faits reprochés à son prédécesseur.
« En tant que successeur du père van der Borght, j’ai l’intention de m’informer sur les faits qui font l’objet de cette publication », indiquait-il à La Croix à l’époque, assurant « ne pas avoir connaissance du dossier ». Une version contredite par Mediapart qui rapporte qu’une victime lui aurait fait part de violences dès 2004 mais que l’ancien responsable n’aurait pas prévenu les autorités.
Ce cas de figure se serait reproduit à plusieurs reprises. En 2010, « il m’a répondu : “Ah, effectivement, ce n’est pas bien”, et il est passé à autre chose », indique Justine (1), agressée sexuellement à plusieurs reprises entre ses 16 et ses 26 ans.
Mgr Hervé Gosselin aurait même parfois justifié le comportement de l’agresseur par celui de ses victimes. « C’est ton attitude qui n’est pas juste et qui entraîne ces situations. C’est toi qui dois changer », aurait-il répondu à Caroline (1) en 2012. « Cela a renforcé ma culpabilité et m’a renvoyée dans la gueule du loup », rapporte l’intéressée à Mediapart.
Confronté aux témoignages recueillis par les journalistes, l’évêque d’Angoulême explique qu’il n’avait pas « accès au dossier » et que les signalements qu’il avait reçus lui avaient été transmis de « manière indirecte et floue ».
Pressions
En plus d’avoir ignoré la parole des victimes, l’enquête montre que l’ecclésiastique aurait fait pression à plusieurs reprises sur les laïcs du Foyer de Tressaint pour que les multiples cas d’agressions soient passés sous silence, et ce même après les révélations sur le comportement du père van der Borhgt. Mediapart cite notamment une lettre dénonçant les appels à témoignages, accrochée en évidence dans le réfectoire. « Il est vrai que je considérais à l’époque que ce communiqué n’était pas le bon moyen puisque le mis en cause était décédé », justifie-t-il auprès du journal d’investigation, précisant avoir depuis changé d’opinion.
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Selon des documents consultés par Mediapart, plusieurs signalements visant l’évêque d’Angoulême auraient été transmis à la Conférence des évêques de France comme à Rome. Un courrier signé de la main de Mgr Eric de Moulins-Beaufort, président de la CEF, montrait l’inquiétude de ce dernier face à des témoignages qui se « corroborent ». Ces signalements n’ont pas empêché l’ouverture d’un nouveau Foyer de Charité dans le diocèse d’Angoulême, à Bassac, fin 2022.
Dérives sectaires
Plus largement, l’enquête pointe des dysfonctionnements graves au sein du Foyer de Tressaint. Placés sous une double autorité spirituelle et hiérarchique, les membres de la communauté évoluaient dans un cadre « propices aux dérives sectaires » : charge de travail excessive, interdiction « de téléphoner à leurs proches ou de dépenser de l’argent sans autorisation », etc.
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Fondés en 1936 par Marthe Robin et le père Georges Finet, les Foyers de Charité sont une association privée de fidèles qui rassemble des laïcs engagés au célibat. Ils proposent notamment des retraites spirituelles, avec pour mission de « revivifier et fortifier les chrétiens dans leur foi ». Ces dernières années, plusieurs affaires de violences sexuelles ont secoué l’institution, mettant notamment en cause plusieurs pères de foyers.
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Source: La Croix