Le coup d'envoi est donné pour les futurs " RER métropolitains "

June 16, 2023
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Par Denis Fainsilber

Publié le 16 juin 2023 à 19:05 Mis à jour le 16 juin 2023 à 19:08

Les transports express métropolitains, annoncés fin 2022 dans leur principe par Emmanuel Macron, sont désormais sur les rails. Après une cascade d'amendements, d'amendements rédactionnels et de sous-amendements, une Assemblée nationale très clairsemée a voté vendredi soir la proposition de loi en première lecture, offrant un cadre juridico-administratif au projet, transmis au Sénat.

Pendant des heures, les quelques députés présents au Palais-Bourbon ont débattu d'une infinité de détails sémantiques ou géographiques sur ce nouveau cadre, « sur la France qui roule au diesel », sur la bombe sociale des ZFE, sur le désenclavement des petites communes ou l'utilité du service public ferroviaire. Tandis que le rapporteur du texte, le député Jean-Marc Zulesi (Renaissance), et le ministre délégué aux transports Clément Beaune, faisaient le dos rond en interjetant conjointement des « défavorable » à des centaines d'amendements les plus divers.

10 à 15 ans de travail

Sur le fond, quelques précisions ont été apportées vendredi pour cet outil multimodal de long terme , essentiel dans l'optique du report modal voulu pour la décarbonation des territoires, quand les trois quarts des Français prennent leur voiture pour aller travailler. Sur le plan du calendrier, le député (Renaissance) David Valence, président du dernier rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI), a rappelé que les SERM « ne vont pas émerger dans les 2 ou 3 ans qui viennent, mais représentent un travail de 10 ou 15 ans ».

Pour lui, l'enjeu n'est pas une meilleure desserte des villes déjà bien couvertes, « mais le renforcement des liens entre villes moyennes et petites villes, avec un texte qui ouvre la capacité à faire ». Alors que Régions et métropoles ont déjà bien du mal à s'entendre sur les sommes à engager sur les services de transport public , « cette fois, il y a des jalons sonnants et trébuchants », selon le ministre des transports Clément Beaune, avec une enveloppe publique de 800 millions d'euros destinée à financer les premières études.

Quelle sera la fiscalité dédiée aux projets respectifs, entre taxe sur les bureaux et autre chose ? « Ce n'est pas à la représentativité nationale de définir le niveau de fiscalité à atteindre demain », souligne le rapporteur de la loi Jean-Marc Zulezi. Qui par ailleurs ne voit aucune opposition entre l'ex-Société du Grand Paris (SGP) aux compétences élargies et SNCF Réseau, alors que beaucoup espèrent que ce redécoupage « public-public » fera sensiblement baisser les devis des travaux.

Utiliser le réseau existant

Réaliser une dizaine de réseaux de SERM à horizon de dix ans, comme le souhaitent les pouvoirs publics, va permettre à la fois de s'appuyer en bonne partie sur le réseau ferroviaire existant pour accroître les cadences. Mais aussi de légitimer un certain nombre de travaux de modernisation en cours, qui n'avaient pas été pensés dans l'optique des RER métropolitains.

Ainsi, la future ligne Provence-Côte d'Azur (LNPCA, de Marseille à Nice), dont la genèse est ancienne, devrait accueillir trois SERM à terme (Aix-Marseille, Toulon et Nice), avec leurs contraintes de flux respectives. Ce qui encouragera les travaux visant à construire sept nouvelles gares intermodales tout au long du parcours. De même en Pays-de-la-Loire, les lignes régionales de TER dites de « tram-train » et « Sud-Loire », tout juste réattribuées à la SNCF dans le cadre d'un processus d'ouverture à la concurrence, constitueront l'ossature du futur RER métropolitain de la région nantaise.

Rouvrir quelques petites lignes

D'autre part, si la proposition de loi Zulesi fait la part belle au ferroviaire, en prévoyant même une procédure administrative pour rouvrir certaines petites lignes tombées en déshérence, il n'est pas dit que le rail devienne partout archi-dominant.

La bataille du rail ? Un combat d'arrière-garde, pour certains. « Avec les SERM, l'enjeu très fort se situe dans la périphérie des grandes villes, c'est là qu'il faut mettre de l'offre. L'effort en faveur des cars express me va bien, des lignes longue distance avec peu d'arrêts, cela se met en place en six mois. Et dans dix ans, on aura partout des cars zéro émission. A contrario, le temps du train est un temps très long. Il faut réfléchir à la meilleure utilisation des deniers publics », estime Thierry Mallet, président de l'opérateur Transdev.

Lire aussi : Pourquoi les projets de RER métropolitains avancent au ralenti

De plus, les débats ne se posent pas dans les mêmes termes en Ile-de-France et dans les grandes agglomérations. Tout à son effort pour devenir conseil et maître d'ouvrage des régions, agglomérations et de l'Etat pour développer les SERM, SNCF Réseau garde un voile pudique sur les taux de fréquentation actuels des TER en régions, qui plafonnent souvent autour de 25 à 30 % en moyenne, avec une exploitation à la charge des collectivités locales.

Le choc d'offre sera coûteux

« Il faut avoir en tête qu'en Ile-de-France, les RER A et B transportent respectivement chaque jour 1,4 million et 1 million de voyageurs, quand la totalité des TER de nos 12 autres régions en totalisent moins de 800.000 », relativise l'ancien député Gilles Savary, dans un ouvrage récent sur les mobilités, « La Ville inaccessible ». Investir dans un cadencement des seconds au quart d'heure, y compris aux heures creuses ou les weekends, pour créér un « choc d'offre » selon la formule en vogue, représente donc un pari financier énorme. De quoi provoquer bien des hésitations.

Source: Les Échos