Remaniement : l’aile gauche du camp Macron peut-elle encore empêcher un tournant à droite ?

June 17, 2023
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CHARLY TRIBALLEAU / AFP CHARLY TRIBALLEAU / AFP

POLITIQUE - Zone de turbulences. Les rumeurs de remaniement s’épaississent à mesure que la date butoir des « 100 jours » décrétés par Emmanuel Macron approche. Élisabeth Borne va-t-elle résister à Matignon ? Combien de ministres feront les frais de cette première année vertigineuse ? La nouvelle étape souhaitée par le chef de l’État passera-t-elle par un changement de ligne politique ?

Les questions, nombreuses, agitent la majorité et font régner un semblant de fébrilité dans ses rangs. « Tout n’est pas gelé, les textes continuent de passer, mais la période est faite d’incertitudes, ce n’est jamais la plus simple », résume le porte-parole de Renaissance, Loïc Signor, au HuffPost.

Au milieu de ce flou, un sujet apparaît encore plus urticant que les autres : la relation entre le camp présidentiel et Les Républicains. Comme depuis le premier jour du quinquennat, et de la majorité relative, la priorité semble être donnée à la négociation avec le parti d’Éric Ciotti, pour une alliance plus ou moins ferme et durable. De quoi réveiller des luttes internes - jamais vraiment éteintes.

« Les inquiétudes existent » au sein de l’aile gauche

« Si cela venait à être décidé, cela changerait beaucoup de choses », selon les mots de l’ancienne ministre Barbara Pompili, la première au sein de la majorité à sortir publiquement du bois, lundi 12 juin. La députée de la Somme, qui a déjà pris quelques distances avec Renaissance à l’Assemblée au moment de la réforme des retraites, estime dans Le Journal du Dimanche que toper dans la main des LR signerait « la fin du dépassement. »

« À partir du moment où on fait une alliance avec un parti traditionnellement de droite, on est plus avec des personnalités qui veulent participer à une démarche commune », avance celle qui avait quitté EELV pour rejoindre Emmanuel Macron en 2017. « On ne peut pas envisager cela et croire que tout se passera normalement ensuite au sein de la majorité. »

« La majorité complémentaire ne se trouve pas à gauche »

Loïc Signor, porte-parole de Renaissance

Avec elle, c’est une partie de l’aile gauche qui exprime ses réserves ou ses craintes, souvent en coulisses. « On peut travailler avec plusieurs députés LR. Mais je ne crois pas à un contrat de coalition avec eux, certains sont trop éloignés de ce que l’on défend. On risquerait de perdre le côté gauche de notre majorité », analyse une députée Renaissance, qui évoque par exemple les « enchères très élevées » et « inacceptables » de la rue de Vaugirard sur l’immigration. Ceci, sans parler de la sortie de François Bayrou dans Le Figaro contre un « gouvernement de restauration du RPR » qui ferait courir au camp présidentiel de « grands risques de perte de cohérence. »

« Les inquiétudes existent et elles sont entendues », reconnaît une cadre Renaissance, en évoquant une réunion organisée par Stéphane Séjourné mercredi 21 juin avec les parlementaires du parti présidentiel pour phosphorer, « c’est pour cela qu’elle a été convoquée. » Ce jour-là, députés et sénateurs doivent échanger sur la stratégie à adopter avec Les Républicains.

« Coalition, alliance... Cela fait partie de l’éventail d’hypothèses, mais il faut voir si ce sont les meilleures, et si ce n’est pas bloquant pour certains », nous explique Loïc Signor. Conscient des difficultés que cela peut engendrer au sein d’un groupe historiquement composé de personnalités jadis hostiles à la droite, mais également lucide sur le fait que « la majorité complémentaire ne se trouve pas à gauche. »

La menace d’un nouveau groupe parlementaire

Pour le porte-parole de Renaissance, il faut surtout que « chacun prenne bien conscience de la situation périlleuse » dans laquelle le camp présidentiel se trouve. « Le constat c’est qu’aujourd’hui, Les Républicains sont dans une double posture. Ils peuvent être nos alliés et ils sont à la fois les plus à même de nous faire trébucher avec leur menace de motion de censure », estime-t-il. Une façon de dramatiser les enjeux, et de boucher certaines voies de passage.

Dans ce contexte, c’est la question du poids véritable de cette fameuse « aile gauche » qui se pose. Force est de constater qu’en Macronie, cet hémisphère prend plusieurs visages, entre celui d’Olivier Dussopt, président de Territoires de Progrès (une formation qui se veut « sociale-démocrate »), ministre du Travail qui a porté la réforme des retraites et Barbara Pompili, issue des rangs de l’écologie, qui s’y est opposée. Pas simple d’y voir clair.

« Pourquoi changer Élisabeth Borne ? Elle est suffisamment vaporeuse pour conserver une forme de concorde dans la majorité »

L’entourage d’un ministre venu de la gauche

Il n’empêche, malgré ces différentes nuances, plane le spectre d’une scission qui ne manquera pas de prendre de l’épaisseur en cas de rapprochement avec la droite, de l’aveu de plusieurs sources. « J’ai cru comprendre que certains agitaient la menace de la création d’un groupe parlementaire sur l’aile gauche », nous raconte une cadre Renaissance.

« Plus qu’une menace, c’est une réflexion », euphémise une députée pour qui « il est intéressant de voir que certains mettent des limites. Même si je ne pense pas qu’on en arrive là. » « Oui, c’est un peu l’Arlésienne », confirme pour sa part Loïc Signor, presque fataliste, quant à cette possibilité d’un 11e groupe à l’Assemblée nationale, en déplorant une idée qui reviendrait à « recréer du clivage tel qu’il y en avait avant 2017. »

En réalité, les tenants d’une ligne plus à gauche n’ont pas beaucoup d’options dans un contexte politique qui fait des LR la principale force d’appui et qui accorde beaucoup de lumière aux personnalités macronistes issues de la droite. Il n’y a qu’à voir la liste des prétendants possibles à l’Élysée en 2027. Plus qu’un rééquilibrage, ils prônent le statut quo, au moins à Matignon.

« Pourquoi changer Élisabeth Borne ? », s’interroge par exemple l’entourage d’un ministre venu de la gauche, « elle est suffisamment vaporeuse pour conserver une forme de concorde dans la majorité et au fond elle a réussi à parler à Ciotti. Eux ne sont pas fiables, car faibles. Mais aucun mec de droite ne changerait ça. » Un constat que beaucoup partagent dans la majorité, au-delà des lignes trop éloignées.

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Source: Le HuffPost