Ratonnades après la finale de la CAN 2019 à Lyon : de lourdes peines requises, un procès politique ?

June 17, 2023
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Quatre ans après les faits, l’avocate générale a requis de très lourdes peines d’emprisonnement à l’égard des sept hommes à qui sont reprochés de graves faits de violence en réunion et des injures raciales.

Reprise de séance en milieu d’après-midi, la parole est donnée aux prévenus, chargés par le tribunal de présenter leur situation personnelle. Les profils des suspects se montrent plus hétéroclites et complexes qu’à l’ouverture du procès. Agés de 25 à 35 ans aujourd’hui, les sept compères semblent bien insérés socialement, sont majoritairement en couple, ont des emplois stables et soutiennent s’être éloignés des groupuscules radicaux qu’ils, pour certains, fréquentaient naguère.

Après cette brève présentation, la parole est aux avocats des parties civiles. Parmi ces dernières, certaines victimes elles-mêmes mais également des associations de lutte contre les discriminations.

La Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA), constituée partie civile et représentée par une jeune avocate, a notamment fait valoir devant le tribunal les raisons de sa présence.

“Il est important que la LICRA soit là, (...) qu’elle se tienne aux côtés des parties civiles en raison des faits et des conséquences très graves qu’ils ont eu sur les victimes”, explique l’avocate, selon qui les prévenus ont fait preuve d’une “violence inouïe sur le plan verbal et physique”, cette soirée de juillet. Leur point commun ? “L’idéologie, partagée par tous les prévenus, fondée sur la haine et la peur de l’autre”, déclame l’avocate, qui aura finalement presque parlé plus en longueur du “combat de plus d’un siècle” de la ligue que de l’affaire en question.

L’avocat lyonnais Alain Jakubowicz lui-même, président de la LICRA de 2010 à 2017, fit une courte mais remarquée apparition dans la salle d’audience.

Tour à tour, les représentants des parties civiles ont alors invectivé les prévenus en dénonçant leur “lâcheté” et en regrettant qu’ils ne reconnaissent, pour la plupart, ni les faits, ni leur implication passée ou présente dans des mouvements d’extrême-droite. C’était également le moment pour les conseils juridiques de formuler leurs demandes d’indemnisation pour les victimes qu’ils représentaient.

Une des plaidoiries a particulièrement retenu l’attention du tribunal et de l’audience : celle de Bertrand Sayn, véritable ténor du barreau lyonnais, qui s’est illustré avec un discours très éloquent sur le danger que représente l’extrême-droite en France.

Procès de droit ou procès politique ?

Les réquisitions de la procureure se sont faites dans la même veine. “Le rôle du procureur n’est pas de se positionner sur les points de vue idéologiques mais ce dont il est question aujourd’hui, ce n’est pas d’une idéologie ou de principes lambdas”, a commencé la magistrate.

“On parle de racisme, de discrimination, d’incitation à la haine publique (...) qui ne sont pas des faits poursuivis aujourd’hui, mais … Ces idées se sont concrétisées de la manière la plus nauséabonde que l’on puisse imaginer”, a déclaré la procureure, avant de revenir longuement sur la gravité des faits reprochés aux sept hommes.

Pour ces “artisans de la fracture sociale” (sic), les peines requises sont exemplaires. Pour cinq d’entre eux, accusés de faits de violences, sont préconisés cinq ans d’emprisonnement avec entre 24 et 36 mois de sursis probatoire.

Autrement dit, les cinq prévenus concernés passeraient entre deux et trois ans en détention, sans possibilité d’aménagement. Pour deux des individus à qui ne sont pas reprochés de faits de violences mais seulement des injures, les peines requises, ne pouvant pas excéder un an d’emprisonnement ferme, feraient elles l’objet d’un aménagement de peine.

Des réquisitions qui ont surpris les professionnels du droit, des deux côtés de la salle, en raison de la situation personnelle des prévenus et de leur casier judiciaire. En effet, ces derniers sont pour la plupart vierges ou fournis de quelques mentions relativement légères.

Lors d’une brève suspension d’audience, Maître Just, avocate d’une des parties civiles, nous a fait part de son contentement. “Les réquisitions sont très satisfaisantes et vont même au-delà de mes attentes, parce qu’ils (les prévenus, ndlr) sont tous insérés, on est quatre ans après les faits…”, liste l’avocate. “ça redonne aux activistes d’extrême-droite leur statut de délinquants qui sont beaucoup moins poursuivis que les militants d’extrême-gauche”, s’est enfin réjouie l’avocate, à titre personnel.

Pour le reste de la séance, la parole était donnée aux avocats de la défense qui plaidaient tour à tour pour leurs clients respectifs. L’enjeu était de tempérer l’envie que pourrait avoir le tribunal de faire des sept prévenus “un exemple”.

Les avocats de la défense souhaitaient porter à l’attention du tribunal de sérieux éléments tangibles, comme le bornage téléphonique ou des incohérences qui seraient parsemés dans les différents témoignages des victimes, pour faire valoir l’innocence de leurs clients.

Le jugement mis en délibéré, quant à lui, sera rendu le 7 juillet.

J.B.

Source: Lyon Mag