Au Palais de la Porte-Dorée, à Paris, un nouveau récit de l’immigration

June 17, 2023
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« Sur la route de Barcelone à la frontière française » (janvier 1939), de Robert Capa. EPPPD-MNHI / ROBERT CAPA / MAGNUM

Question classique des musées d’histoire : comment raconter, donner à voir, faire ressentir et expliquer, tout cela ensemble, parce qu’il est aussi nécessaire de toucher que d’instruire ?

Pour y réussir, le nouveau parcours du Musée national de l’histoire de l’immigration, installé dans le Palais de la Porte-Dorée, dans le 12e arrondissement de Paris, choisit le modèle de la corde. Celle-ci serpente d’une section à l’autre et suit la galerie qui contourne le forum, grand vide au centre du bâtiment, avant de revenir à son point de départ. C’est donc une très longue corde, à trois brins méthodiquement tressés.

Le long du brin chronologique, onze dates font autant de nœuds, de 1685 à 1995 : 1685 est l’année du code noir, qui règle « la police des esclaves des îles de l’Amérique française » par la pire violence, et de la révocation de l’édit de Nantes, qui force les huguenots à l’exil ou à la conversion au catholicisme ; 1995, c’est l’ouverture de l’espace Schengen en Europe, peu après l’éclatement de la Yougoslavie, peu avant les « printemps arabes » et le début du mouvement migratoire des populations chassées du Moyen-Orient et d’Afrique par les guerres et la misère. Ces dates sont celles d’événements politiques et économiques essentiels : révolutions françaises de 1789 et de 1848, guerres mondiales, choc pétrolier de 1973. Elles structurent le récit.

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Le deuxième fil est documentaire, et c’est une fort épaisse guirlande. Elle est chargée de textes, d’images et d’objets. Il y a beaucoup à lire : lois et décrets, passeports et laissez-passer, rapports de police et refus de naturalisation, articles de presse et pétitions, correspondances publiques et privées.

Il y a autant, sinon plus encore, à regarder : des photographies de familles italiennes immigrées à Paris à celles des associations cultuelles et sportives polonaises au pays des mines ; de celles des camps où la IIIe République enferme les républicains espagnols et le régime de Vichy, les familles juives, aux vues des bidonvilles de Nanterre : des portraits d’ouvriers venus d’Europe du Sud et du Maghreb, dans les années 1960 et 1970, à ceux des personnels de santé durant l’épidémie de Covid-19.

Place à la création actuelle

Beaucoup émeuvent, par exemple l’image prise par Robert Capa (1913-1954) d’une jeune femme marchant seule, une couverture roulée sur les épaules, entre Barcelone et la frontière française, en janvier 1939. Quelques-unes révulsent, dont celle d’un groupe d’étudiants français en médecine, en 1935, réunis derrière une banderole qui dit : « Contre l’invasion métèque, faites grève ».

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Source: Le Monde