A Lyon, le récit glaçant des victimes de la violence raciste

June 17, 2023
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Des supporteurs algériens célèbrent la victoire de l’Algérie en finale de la Coupe d’Afrique des nations, à Lyon, le 19 juillet 2019. JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

Rarement les débats judiciaires auront donné l’occasion de mesurer le degré de violence de l’ultradroite lyonnaise. Ce fut le cas, jeudi 15 et vendredi 16 juin, à l’occasion du procès de sept prévenus, âgés de 22 à 34 ans, devant le tribunal correctionnel de Lyon. Ils étaient poursuivis pour leur participation à une flambée de violences collectives, qui s’est répandue dans les rues du centre de la capitale des Gaules, le 19 juillet 2019, soir de la victoire de l’Algérie en finale de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) de football.

Des victimes ont livré des récits glaçants à la barre. Afelle, 42 ans, est sortie avec deux copines dans sa voiture, pour « partager un moment de fête ». Dans une petite rue, près de la place Bellecour, elle croit à un contrôle de police, avec « un groupe d’hommes en noir », dont un qui porte un brassard fluo. A peine le temps de stopper, elle entend des insultes racistes, et voit surgir une trentaine d’individus « armés de barres de fer ». Son pare-brise vole en éclats sous les coups d’un panneau de chantier. « Je ne sais pas comment j’ai trouvé la force d’accélérer. Je ne voyais plus rien », témoigne la quadragénaire en réprimant des sanglots, persuadée d’un piège minutieusement préparé. « Ils étaient en attente, comme à la guerre, ils attendaient leur proie », dit-elle. Depuis, elle revoit la scène « presque toutes les nuits », et n’ose plus sortir seule : « Je vis avec cette peur, une boule d’angoisse. »

Linda, 50 ans, a vécu une scène similaire, avec ses trois enfants dans la voiture, dont sa fille aînée qui agitait un fanion de l’Algérie par la fenêtre. La horde fond sur la voiture et crie : « Sales Arabes, on va tous vous tuer. » Son fils de 14 ans se met à hurler de peur, lorsqu’un agresseur brise la lunette arrière. A la barre, l’élégante mère de famille défie les prévenus du regard : « J’ai grandi dans la maison d’un résistant. Mon grand-père a fait l’Indochine. Vous n’avez pas choisi la bonne Maghrébine ! » Ajoutant : « Je ne vais pas renier mes origines parce que ces messieurs ont décidé qu’ils sont plus Français que moi. »

Dans son réquisitoire, la procureure Céline Cuny a souhaité rendre hommage aux femmes qui ont eu le courage de venir dans le prétoire : « Elles ont tenu bon, elles ont fait face, elles ont été fortes. » Le contraire des prévenus, selon la magistrate, qui a dénoncé « des artisans de la fracture sociale ».

Barre de fer et fléau

L’enquête n’a pas pu déterminer le nombre exact de victimes qui ont subi ce déferlement organisé, avec une cinquantaine d’individus en action, habillés de noir, certains en cagoules, armés de barre de fer, et même d’un fléau muni d’une boule hérissée de pointes métalliques. Près du pont Bonaparte, une mère de famille s’est réfugiée dans un bar, sautant par-dessus le comptoir pour se cacher, alors que les assaillants sautaient à pieds joints sur sa voiture.

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Source: Le Monde