Après une visite à Moscou, le président algérien Abdelmadjid Tebboune toujours attendu en France

June 17, 2023
161 views

Le président algérien a été reçu jeudi en grande pompe par Vladimir Poutine à Moscou. La Russie et l'Algérie ont signé plusieurs accords pour renforcer leur coopération sur le plan militaire et de l'énergie. Abdelmadjid Tebboune devait effectuer une visite d'État en France en juin mais selon des informations de presse, ce déplacement, initialement prévu en mai, risque d'être de nouveau reporté.

Le président français Emmanuel Macron s'entretient avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune à l'aéroport d'Alger, le 27 août 2022.

Publicité Lire la suite

Le président russe Vladimir Poutine et son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune ont signé, jeudi 15 juin à Moscou, plusieurs accords visant à approfondir leur "partenariat stratégique", au moment où le Kremlin cherche à renforcer sa présence en Afrique.

Alors qu’il n’a toujours pas officialisé sa visite en France, le président algérien a réaffirmé les relations privilégiées qu’entretiennent Alger et Moscou depuis que l'Union soviétique a appuyé les indépendantistes algériens lors de la guerre contre l'ancienne puissance coloniale française (1954-1962). Selon la présidence française, Paris et Alger sont toujours "en discussion pour trouver une date qui puisse convenir" à la venue très attendue du président algérien en France.

D'abord programmée d'abord début mai, la visite d'Abdelmadjid Tebboune avait été repoussée à juin, les Algériens craignant que la fête ne soit gâchée par les manifestations du 1er mai contre la réforme des retraites, selon des sources concordantes.

Mais Abdelmadjid Tebboune n'a jamais confirmé sa venue, qui devait consacrer l'embellie entre les deux pays après nombre de crises diplomatiques. "C’est l'énième épisode des relations tumultueuses et complexes qu'entretiennent Paris et Alger", résume Brahim Oumansour, directeur de l'Observatoire du Maghreb à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) de Paris.

Le président russe Vladimir Poutine et le président algérien Abdelmadjid Tebboune signent des accords au Kremlin à Moscou, le 15 juin 2023. © Mikhail Metzel, Sputnik, AFP

Passif colonial pesant

Au-delà de l'amitié affichée par les deux présidents, la relation entre la France et l'Algérie reste empreinte de méfiance, malentendus et non-dits.

"Tout cela est quand même très incertain, très aléatoire, très contradictoire", concède une source diplomatique française. À Alger, le sentiment antifrançais remonte régulièrement à la surface au gré des tensions.

Le débat en France sur une éventuelle remise en cause de l'accord migratoire conclu en 1968 avec l'Algérie n'a rien arrangé. À 18 mois de la présidentielle algérienne, une visite du président Tebboune en France pouvait jouer en sa défaveur, esquisse Brahim Oumansour.

Le passif colonial pèse encore très lourd entre les deux pays. Le pouvoir algérien issu de la guerre d'indépendance y puise sa légitimité. Une véritable "rente mémorielle", avait lancé Emmanuel Macron en 2021, suscitant alors l'ire d'Alger.

L'Algérie, candidate à l'entrée dans le club des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du sud), préfère peut-être aussi "éviter toute fausse note avec une visite à Paris", poursuit l'expert de l'IRIS. Les Brics veulent se positionner comme une alternative à l'ordre mondial dirigé par l'Occident. Puissance régionale rivale du Maroc, Alger ambitionne ainsi de jouer dans la cour des grands.

Pari risqué pour la France

La visite à Moscou n'est pas forcément vue d'un mauvais œil à Paris. "L'Algérie est un médiateur, quelqu’un qui peut parler à d'autres auxquels on ne parle pas. Le fait qu'elle parle aux Russes, à la limite c'est tant mieux", estime la même source diplomatique.

Emmanuel Macron reste en revanche loin de son objectif de réconciliation des mémoires et de relance de la relation franco-algérienne, notamment au plan économique.

En redoublant d'attention pour Alger, il a en outre plombé une relation déjà difficile avec le Maroc. "Le jeu d’équilibre de la France entre les deux pays est plutôt vu comme un double jeu", relève Brahim Oumansour.

Rabat et Paris sont en froid depuis des mois, un gel des relations qui s’ancre et perdure – il n’y a toujours pas d’ambassadeur du Maroc en France. À l’origine de cette grave brouille, les restrictions d'octroi des visas visant les ressortissants marocains, une mesure officiellement levée en décembre.

Mais le Maroc reproche surtout à la France ne pas s’aligner sur les États-Unis et l'Espagne qui ont reconnu la marocanité du territoire disputé du Sahara occidental, considérée comme cause nationale à Rabat.

La visite d’État d’Emmanuel Macron au Maroc, promise plusieurs fois, ne cesse aussi d’être reportée. "Il faut trouver le chemin de crête, ce n’est pas facile, mais c'est vraiment la préoccupation du moment : parvenir à relancer nos relations et les remettre sur des bons rails", concède-t-on à Paris.

Avec AFP

Le résumé de la semaineFrance 24 vous propose de revenir sur les actualités qui ont marqué la semaine Je m'abonne

Source: FRANCE 24