États généraux de la droite : LR revendique son "indépendance", gage de "responsabilité"
Réunis au Cirque d'Hiver à Paris, Les Républicains cherchent à creuser un sillon entre Emmanuel Macron et les extrêmes.
Devant le Cirque d'Hiver (Paris), et au milieu des quelque 1700 militants et sympathisants venus assister aux « états généraux » de la droite, un homme lit, assis sur un banc, le dernier roman de François-Henri Désérable, L'Usure d'un monde. Un passant esquisse un sourire. L'usure… « C'est bien ça qu'il faut éviter. » Et c'est précisément ce à quoi Les Républicains, réunis samedi 17 juin dans la salle de spectacle du centre de la capitale, veulent s'employer.
« On nous croit morts, mais on nous appelle toujours ! », lance Rachida Dati, sur scène. Les applaudissements retentissent. La salle vient d'être chauffée à blanc après la diffusion d'un clip où les images du général de Gaulle, de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy ont défilé, sur fond de musique épique… Une mise en scène soignée. « Moderne », salue-t-on même dans les rangs de LR, tandis qu'une ex-membre de l'équipe de communication d'Éric Zemmour photographie l'événement. « Sans commentaire… Je ne suis pas fan du recyclage », souffle un conseiller de droite.
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Le tout a un faux air de meeting, mais sans champion. Ce qui ne manque pas d'en agacer certains. « La droite se réunit pour se reconstruire. En attendant, où est notre candidat naturel ? », ricane un sénateur. Face aux micros, caméras et bloc-notes tendus, les LR feignent pourtant de ne pas voir le problème. « Laurent Wauquiez se prépare, élude Nadine Morano. Il se prépare sur le terrain. C'est sa méthode, hein… » Le premier secrétaire général délégué des Républicains, Othman Nasrou, renchérit : « La présidentielle, c'est la rencontre d'un homme ou d'une femme avec le peuple. En attendant, à nous d'être audibles. Le parti doit être au service du candidat. » Alors, et puisque la nature a horreur du vide, d'autres prennent la lumière. Arrivé au Cirque d'hiver, assailli par une forêt de perches, François-Xavier Bellamy sourit lorsqu'il entend son nom retentir, avant de rejoindre le premier rang où siègent notamment le patron du parti, Éric Ciotti, son prédécesseur, Christian Jacob, ainsi que Xavier Bertrand, Aurélien Pradié, ou encore Michel Barnier.
« Emmanuel Macron a nourri les extrêmes »
Dès l'introduction des états généraux, le président LR du Sénat, Gérard Larcher, est le premier à évoquer l'espace politique dans lequel il conçoit l'avenir des Républicains. « Je reste convaincu que la bonne stratégie doit être l'indépendance et la responsabilité. L'indépendance est la garantie de notre légitimité. La responsabilité est notre boussole, car seul l'intérêt de la France guide nos choix. » Devant sa famille politique et les militants, le troisième personnage de l'État, dont le nom circule régulièrement pour Matignon, l'affirme : « Ce “en même temps” (macroniste) de gauche et de droite a été mortifère pour notre démocratie. La vie politique a besoin de clarté, les Français de repères. » Avant de cibler directement la responsabilité du président de la République dans l'installation du paysage politique actuel : « En tentant de désagréger artificiellement les fondements de notre système politique, Emmanuel Macron a nourri les extrêmes, à droite comme à gauche. Il a appauvri le débat jusqu'à la caricature », dénonce-t-il.
Manière de hausser le ton, en veillant à ne jamais devenir trop frontal pour autant. « Gérard Larcher est toujours offensif, au début… Et puis ça finit par se calmer », sourit un élu. « Un premier ministre de droite alors qu'on n'arrive pas à se mettre d'accord (avec l'exécutif) sur le sujet de l'immigration ? », réplique Othman Nasrou. « Avec quelle majorité voudriez-vous que l'on travaille ? Une majorité qui comprend un Sacha Houlié ? Je ne crois pas à la main tendue. Ça n'arrivera pas. » Dans ce contexte, Gérard Larcher assure deviner un chemin pour la droite. « Oui, insiste-t-il, indépendants nous restons une force, libres de nos mouvements et de nos critiques, de nos accords comme de nos désaccords. Nous restons une alternative crédible à cette majorité du coup par coup, sans méthode, sans cap et sans vision. Cette majorité relative n'est pas la nôtre, nos différences sont très profondes ».
L'introspection de la droite
Quand Éric Ciotti prend la parole à son tour, accueilli par des applaudissements, lui aussi défend la même ambition d'indépendance. « Au milieu de vous, je suis un militant parmi les militants. Mais un militant qui, comme vous, ne se résigne pas à voir notre famille politique jouer les seconds rôles ou les supplétifs », clame le président des Républicains. « Indépendants et libres : toujours ! La figuration, très peu pour nous. La France a besoin d'une droite forte, courageuse, conquérante. »
En attendant d'y parvenir, LR assure vouloir faire son introspection, « sans tabous ». « Je n'ai jamais pensé qu'il fallait penser en termes de clientèle électorale », insiste Bellamy qui défend une droite des « solutions » capable d' « écouter ceux qui nous ont quittés ». Une militante déçue, ancienne élue de Dordogne, et qui n'a plus sa carte depuis 10 ans, prend ainsi la parole. Parmi les critiques, elle évoque « l'individualisme » de « certaines personnes » qui, lors des débats parlementaires sur les retraites, ont participé à « l'image d'incohérence » des LR qui, en la candidature de Valérie Pécresse, soutenaient le départ à 65 ans. « Comment voulez-vous que le militant de base s'y retrouve ? », grince-t-elle.
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Au premier rang, Aurélien Pradié a le visage fermé tandis que, quelques sièges plus loin, Bruno Retailleau applaudit. L'intervention ne convainc pas tout le monde. « C'est grossier », lâche un élu, renvoyant aux anciennes fonctions de Claudine. Et pour cause, lors des dernières élections législatives, cette dernière était la suppléante de l'actuel directeur des fédérations du siège, et à l'époque candidat LR en Dordogne. Un observateur de la droite reconnaît : « C'est pas Madame Michu… »
Au terme de cette chaude journée, durant laquelle Les Républicains auront finalement accepté de se soumettre au réalisme de leurs invités, à l'absence de Laurent Wauquiez, toutes les questions ne sont pas encore levées. Peut-être le seront-elles le 3 juillet prochain, sur les terres de Laurent Wauquiez, « candidat naturel » d'Éric Ciotti. Il s'agira alors du premier rendez-vous incarné de la droite.
Source: Le Figaro