EN IMAGES - Frappé par un séisme, le village de La Laigne prend la mesure des dégâts

June 17, 2023
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A La Laigne, des dizaines de maisons sont rendues inhabitables par des lézardes spectaculaires. Seule solution : quitter les lieux, au moins temporairement. Un tiers des habitants sont concernés.

En quelques secondes vendredi soir à 18h38, 170 habitants de La Laigne ont perdu leurs logements, lézardés par une puissante secousse qui a comme cisaillé de nombreuses maisons anciennes, construites en pierre. Les maisons récentes ont mieux résisté, mais pas toutes. D'après un décompte des pompiers réalisé en milieu d'après-midi samedi, 135 bâtiments présentent des fissures, dont 71 maisons classées en rouge ou noir, jugées inhabitables par les pompiers. D'autant qu'une dizaine de répliques plus ou moins fortes ont été ressenties depuis.

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Ce tremblement de terre, dont la magnitude est estimée à plus de 5, est le plus important dans l'ouest de la France depuis celui de 1972 sur l'île d'Oléron. Ressenti jusqu'en Normandie, il a aussi fait des dégâts dans d'autres communes de Charente-Maritime : Cram-Chaban, Saint-Saturnin-du-Bois ou encore Courçon. Mais c'est bien La Laigne qui paie le plus lourd tribut . Dans ce village de 500 personnes, ce sont près du tiers des habitants qui sont privés de toit.

Le clocher de la petite église de La Laigne, menace de s'effondrer. L'édifice venait de connaître un chantier de rénovation. © Radio France - Julien Fleury

Les vieilles maisons les plus touchées

Ici, le séisme a comme cisaillé de nombreuses maisons anciennes, construites en petits moellons il y a souvent plusieurs siècles, sans mesures antisismiques. L'église menace, elle aussi, de s'effondrer. L'école (une classe de grande section, une de CP) ne peut pas rouvrir. Quant aux habitants, pour la plupart évacués du village dans la nuit de vendredi à samedi, ils ont pris à leur retour samedi la mesure des dégâts.

Les pompiers ont prévu de conserver leur PC à La Laigne jusqu'à lundi. Ce weekend, ils sillonnent les petites rues de La Laigne, souvent sollicités par des habitants, qui voudraient rentrer chez eux chercher des affaires, voire monter sur leur toit, replacer des tuiles alors que la pluie menace. "Pas question de monter sur le toit !", prévient le pompier Artemis Quétier. "Si les murs ne tiennent pas, ça ne sert à rien. Cette nuit, on a une toiture qui est tombée. Même s'il pleut, ce n'est pas la priorité."

Le préfet de la Charente-Maritime, Nicolas Basselier, vient prendre la mesure des dégâts dans les rues de La Laigne. Ici, des murs porteurs qui se détachent les uns des autres. © Radio France - Julien Fleury

Evaluer la dangerosité des logements

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Des pompiers spécialisés dans l'évaluation de la sécurité des bâtiments ont convergé de toute la Nouvelle-Aquitaine. Artémis Quétier est arrivé de Dordogne. Sa mission : autoriser ou non les habitants à regagner leurs maisons. © Radio France - Julien Fleury

Artemis Quétier est arrivé de Dordogne dans la nuit de vendredi à samedi. Ce pompier est un spécialiste de l'évaluation bâtimentaire, l'un des 12 experts dépêchés à La Laigne ce weekend. Casque vissé sur la tête, le colosse en combinaison rouge pénètre chez Jean-Luc. Dix minutes suffisent pour se faire son avis : "De l'extérieur, on ne voit pas grand-chose, on a l'impression que ce n'est pas impacté. Mais, à l'intérieur, on a des séparations entre les planchers et les murs, les murs qui se séparent entre eux. La maison est inhabitable."

Le logement de Jean-Luc rejoint la liste des maisons classées noires par les pompiers qui utilisent un code couleur : vert ou jaune, pas de problème, on peut revenir. Rouge ou noir, c'est impossible. Pour ce propriétaire dont la piscine flambant neuve n'a pas eu le temps d'être mise en eau, le coup est dur à encaisser. Mais Jean-Luc est loin d'être seul : "les pompiers viennent de me dire que tout le pâté de maisons est noir" soupire Amélie.

Repartir à zéro

Un camion de pompiers stationné devant l'école de La Laigne, école fermée après l'apparition de grosses fissures sur le bâtiment. © Radio France - Julien Fleury

Amélie est propriétaire de deux maisons de l'autre côté de la rue de la Bardonnière, l'une des plus touchées. Des maisons qu'elle avait patiemment rénovées avec son compagnon, le soir et le weekend. Elle aussi a tout perdu : "Pour l'instant, on est relogé chez mes parents à Surgères. Mais on sait que ça va être long, qu'il va falloir trouver des locations parce qu'on ne peut plus vivre dans nos maisons."

Amélie retient ses larmes, et ce sentiment d'abattement qui l'étreint. Elle ressent toujours la peur, ravivée à chaque réplique. "Ma fille est traumatisée, cette nuit, elle a été réveillée par une réplique. Elle a peur que toutes les maisons s'effondrent." La jeune femme retrouve son tempérament de battante : "On est là, ça va être une autre étape de notre vie, reconstruire. Repartir à zéro."

La mairie, épicentre de la solidarité

La mairie, bâtiment récent, a elle aussi souffert du séisme. Mais elle sert de point de ralliement des habitants, pour signaler leurs dégâts et obtenir de l'aide. © Radio France - Julien Fleury

La mairie, toute récente a, elle aussi, souffert du séisme. Les habitants y convergent, pour signaler leur situation, prendre des conseils. Victor est passé dans l'espoir de pouvoir retourner brièvement chez lui prendre quelques affaires. Le jeune homme de 25 ans est encore sous le choc du séisme, décrit comme un gros boum par beaucoup d'habitants : "Ma femme est enceinte de huit mois, je l'ai entendue pousser un cri d'horreur, j'ai vu la maison se fissurer...". Une maison qu'il n'est pas près d'habiter à nouveau.

"Vous avez besoin d'un suivi psychologique ?" demande l'élue qui le reçoit, Cédrine Collignon. "Non, répond le jeune homme. J'ai mis ma femme à l'abri, c'est le plus important. Des amis nous prêtent un terrain avec une caravane." La conseillère municipale inscrit son nom sur la liste des maisons qui devront recevoir un bâchage contre la pluie. Également sinistré, le maire court d'une urgence à l'autre, et trouve le temps de s'interroger : "Il faudra reloger tout le monde, mais je ne sais pas comment on va faire..."

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Catastrophe naturelle

Pour cela, il faudra parvenir à joindre les assurances, qui dépêcheront leurs propres experts pour évaluer la possibilité de réhabiliter des maisons souvent très lourdement touchées. De son côté, le gouvernement a déclenché la procédure accélérée de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle , ce qui va faciliter la prise en charge par les assurances. Le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu est attendu à La Laigne ce lundi.

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Source: France Bleu