En Algérie, la main lourde de la justice contre Ihsane El Kadi

June 18, 2023
26 views

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune lors de sa rencontre avec son homologue russe Vladimir Poutine à Moscou, le 15 juin 2023. MIKHAIL METZEL / AFP

Sept ans de prison dont cinq ferme. Ihsane El Kadi, patron du groupe Interface Média qui regroupe Radio M et le site Maghreb Emergent, a été sanctionné, dimanche 18 juin, en appel, de la peine la plus lourde jamais infligée à un journaliste en Algérie.

Condamné en première instance, le 2 avril, à cinq ans de prison dont trois ferme, Ihsane El Kadi n’a pas été ramené à la cour d’Alger pour s’entendre signifier l’alourdissement de la sentence. C’est par visioconférence, depuis la prison d’El Harrach, à Alger, qu’il a entendu le verdict, lu sur un ton monocorde par le juge. « Comme si on ne voulait pas le regarder dans les yeux pour lui faire part d’un verdict injuste prononcé au nom du peuple », résume un ami effondré.

La qualité de la transmission n’a pas permis de voir la réaction du journaliste. Dans la salle par contre, Djamila, sa femme, des amis et quelques très rares journalistes, n’ont pas caché leur abattement. « La condamnation d’Ihsane El Kadi est surréaliste », s’est indigné Khaled Drareni, représentant de Reporters sans frontières (RSF) pour l’Afrique du nord. « Elle est le produit d’un harcèlement judiciaire contre un journaliste qui s’est battu pour exercer librement son métier dans un contexte de verrouillage politique généralisé ».

Pas d’éléments de preuve

Personne ne s’attendait à un acquittement car il n’est pas dans la culture des juges en Algérie de désavouer les services de sécurité ou le parquet. Mais l’aggravation de la peine est une surprise.

Après avoir boycotté le procès en première instance pour dénoncer les atteintes au droit d’Ihsane El Kadi à un procès équitable et notamment les déclarations publiques du président algérien Abdelmadjid Tebboune l’accusant d’être un « khabarji », un informateur de l’étranger, le collectif des avocats a démontré, le 4 juin dernier, lors du procès en appel, l’inanité des accusations portées contre Ihsane El Kadi. Le journaliste était accusé de réception de fonds de l’étranger « pour accomplir ou inciter à accomplir des actes susceptibles de porter atteinte à la sécurité de l’Etat, à la stabilité et au fonctionnement normal de ses institutions, à l’unité nationale, à l’intégrité territoriale, aux intérêts ». Une accusation passible de cinq à sept de prison selon l’article 95 du Code pénal.

Ni dans la constitution du dossier, ni au cours du procès, l’accusation n’a pu apporter des éléments de preuve. Le parquet s’est accroché à une somme d’argent versée sur fonds propres par Tin Hinan El Kadi, la fille du journaliste, installée à Londres et actionnaire d’Interface Médias, pour aider à payer les salaires du personnel durant la crise du Covid qui a lourdement pesé sur les finances d’Interface Média. Les avocats ont souligné que ce sont bien les écrits d’Ihsane El Kadi et sa persistance à exercer librement son métier qui en ont fait la cible du pouvoir.

Il vous reste 49.26% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Source: Le Monde