L’Afrique retombe dans le piège de la dette

June 18, 2023
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DécryptagesLa montée des taux d’intérêt fragilise le continent, où une vingtaine de pays sont jugés en surendettement ou en voie de l’être. Une situation différente de la crise des années 1980 et 1990 mais qui risque à nouveau d’obérer les perspectives de développement d’une région en plein boum démographique.

Le ministre des finances du Ghana le promettait la main sur le cœur : jamais son pays ne retournerait voir le Fonds monétaire international (FMI). « Quoi qu’il se passe, nous ne le ferons pas. Les conséquences seraient terribles, nous sommes une nation fière, nous avons les ressources, nous avons la capacité », assurait Ken Ofori-Atta en février 2022, alors que les nuages s’accumulaient sur l’économie ghanéenne, entre chute du cedi, la monnaie locale, et montée en flèche des taux d’intérêt.

Las, dix mois plus tard, le Ghana faisait défaut. Malgré les serments de l’ancien banquier d’affaires, la nation ouest-africaine a sollicité, pour la dix-septième fois depuis son indépendance en 1957, l’aide financière du Fonds. Un prêt de trois milliards de dollars (2,8 milliards d’euros) a été approuvé fin mai, tandis que les créanciers bilatéraux du pays se sont engagés à œuvrer en faveur d’une restructuration de sa dette. Un épilogue amer pour cet ex-champion de la croissance africaine, stable, démocratique et longtemps plébiscité par les marchés financiers. Le Ghana est le deuxième Etat africain à avoir fait faillite depuis le séisme provoqué par la pandémie de Covid-19. Il a été précédé par la Zambie, incapable d’honorer sa dette extérieure dès le mois de novembre 2020. Après d’interminables négociations avec ses créanciers, Chine en tête, pour tenter d’alléger le fardeau, un accord semble enfin se dessiner.

Les mésaventures de ces deux économies nourrissent les inquiétudes de tous ceux qui brandissent la menace d’une nouvelle crise de la dette en Afrique, vingt ans après les vastes opérations d’annulation pilotées par le FMI et la Banque mondiale. Celles-ci avaient remis les compteurs presque à zéro dans une trentaine de pays de la région. Mais les signaux repassent au rouge. En Afrique subsaharienne, la dette publique atteignait 57 % du produit intérieur brut fin 2022, un niveau inédit depuis le début des années 2000. Selon le Fonds, une vingtaine de pays du continent sont aujourd’hui surendettés ou en voie de l’être.

Intenable équation

« En réalité, il s’agit d’une crise de la dette internationale ; toutes les régions du monde sont concernées, et en Afrique les montants sont ridiculement petits, rectifie Carlos Lopes, professeur à l’université du Cap, en Afrique du Sud. Imaginez que tous les paiements pour le service de la dette en Afrique subsaharienne [21,4 milliards de dollars en 2022 selon Fitch] sont à peu près équivalents à ce qui a été mis sur la table aux Etats-Unis pour sauver la Silicon Valley Bank ! »

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Source: Le Monde