Le retour du panda géant Ya Ya, signe des tensions entre la Chine et les États-Unis

RFI
April 28, 2023
298 views

Reportage

Prêté aux États-Unis il y a 20 ans en signe d’amitié entre les deux pays, le panda Ya Ya est rentré hier par avion. Amaigri, fatigué, le panda géant souffre d’une maladie génétique, ont fait savoir les vétérinaires américains. Mais pour les réseaux sociaux chinois, Ya Ya aurait manqué de soins, voire aurait été maltraitée.

Publicité Lire la suite

De notre correspondant à Pékin, avec Louise May, du bureau de Pékin

Les internautes chinois n’ont manqué aucune étape de ce retour ultramédiatisé : l’arrivée de l’avion sur le tarmac de Shanghai jeudi soir ; les soigneurs en combinaison de protection blanche venus accueillir le trésor national avec une collation composée de bambou frais... Ya Ya va maintenant passer un mois en quarantaine, dans un site climatisé, où les soigneurs la suivront 24h sur 24. Elle sera ensuite ramenée au zoo de Pékin, où l’attendaient déjà de nombreux fans ce vendredi après-midi.

Giant #panda #YaYa spent the first night since her arrival in #China in an air-conditioned quarantine site in #Shanghai Zoo. She was given fresh bamboo and other snacks. Experts are monitoring her condition 24/7. pic.twitter.com/FZhM2proIu — Shanghai Daily (@shanghaidaily) April 28, 2023

« Mon premier objectif, c'est de revoir les pandas géants », s’exclame ainsi cet ingénieur qui a amené sa petite amie au zoo, avant l’affluence des vacances du premier mai. « Ya Ya est enfin rentrée à la maison, poursuit le jeune homme dans un rire de soulagement. Notre panda va enfin avoir le traitement qu’il mérite ». Sur une grande frise au-dessus des guichets, des dessins de zèbres, de girafes, de gorilles, d’oiseaux de toutes les couleurs, mais pas de pandas. C’est pourtant pour les ours herbivores que l’on se presse de toute la Chine.

« C’est grâce à l’effort de tous les internautes et à la pression de l’opinion publique que Ya Ya a pu revenir, affirme cette touriste arrivée la veille de la province de l’Anhui. Les Américains voulaient la garder plus longtemps. Mais on l’a vite ramené, car j’ai entendu dire que le panda avait subi des expériences inhumaines. Des chocs électriques et d’autres choses terribles aux États-Unis. »

Diplomatie du panda

Les internautes chinois ont beaucoup commenté les images du zoo de Memphis, où la vieille Yaya se faisait des poils blancs ces derniers temps. Dans la diplomatie du panda, ce sont des paires de pandas qui sont loués aux zoos étrangers. Or, depuis la disparition de son compagnon, mort d’une crise cardiaque il y a trois mois, Ya Ya avait semble-t-il perdu du poids. Le panda géant âgé de 23 ans est très bien traité, mais il souffre d’une maladie génétique, ont expliqué les spécialistes aux États-Unis, sans parvenir à freiner l’inquiétude. Car depuis plusieurs semaines, les réseaux chinois en sont persuadés : « Les États-Unis en veulent à notre panda ! »

Yaya the panda has left Memphis, Tennessee & on way back to China. Many in China have been demanding Yaya’s return after recent videos of the panda looking skinny w/ scraggly fur sparked accusations of mistreatment. (Even though scientists say it’s b/c of a genetic condition).… pic.twitter.com/YsWHaQh6HF — Selina Wang (@selinawangtv) April 27, 2023

Près de l’entrée du zoo, les gros ours en noir et blanc sont déclinés sous tous les formats possibles sur les rayons d’une petite boutique à souvenirs. Une montre panda par exemple, au bracelet qui fait « clac » quand on le frappe sur son poignet, précise l’un des vendeurs en faisant la démonstration. « Les vacances commencent ce soir et il y a du monde depuis ce matin », constate ce dernier.

Illustrations de presse, supports publicitaires et jusqu’aux mascottes des Jeux olympiques, les pandas géants sont plus présents que les portraits de Mao dans le quotidien des Chinois. L’animal incarne le Yin et le Yang. Il est doux et fort à la fois, paraît-il. C’est aussi un animal politique et une arme du soft power chinois. Les pandas sont offerts comme cadeaux aux dignitaires étrangers depuis les empereurs Tang. La célèbre « diplomatie du panda » a été poursuivie et même amplifiée par la Chine de Mao qui les loue en « signe d’amitié ». « Le panda est le symbole de notre pays, on l’aime tous », affirme cet étudiant pékinois qui tenait lui aussi à voir les pandas avant que le zoo ne soit pris d’assaut pour la fête du travail, le 1er-Mai. « Vous avez vu les images sur internet ! La condition des animaux n’est vraiment pas bonne aux États-Unis, assure-t-il. J’espère qu’on va mieux encadrer leur prêt et que tous les pandas malheureux à l’étranger pourront vite revenir au pays et qu’ils se retrouvent ici avec Lan Lan et les autres pandas chinois. »

Un contexte de forte tensions

Rien ne vaut un retour dans la mère patrie pour retrouver la forme, semblent dire les commentateurs qui notent que Ya Ya a bien meilleure mine depuis que son avion s’est posé à Shanghai. « Regardez la situation des pandas dans les pays amis de la Chine, comme la Russie ! Il n’y a qu’aux États-Unis que les pandas sont mal traités », lance encore un visiteur plus âgé, avant d’esquiver les questions, notamment sur le zoo de Beauval en France, dont le directeur a accompagné le président français lors de sa visite en Chine au début du mois.

Les observateurs feront remarquer au passage que si les pandas géants font régulièrement la Une des médias chinois, ces derniers donnent rarement des nouvelles des autres animaux d’État, comme le cheval de la garde républicaine offert par Emmanuel Macron au président chinois en 2018. Et si ce n’est pas la première fois que les médias et les réseaux chinois critiquent le manque de soins supposés délivrés dans les zoos étrangers – c’est déjà arrivé notamment pour des pandas géants prêtés au Japon –, ce retour de Ya Ya intervient dans un contexte de fortes tensions entre Pékin et Washington. Pas sûr que les États-Unis puissent bénéficier d’une nouvelle paire de pandas géants avant un moment.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail Je m'abonne

Source: RFI